Lettre troisième, 25 Mai 2014

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*Dendrolague, 

En guise d'avant propos je vous prierais de ne pas prévenir les forces de l'ordre, cette lettre ne témoigne aucune menace. Ainsi, ne le prenez pas comme une sorte d'harcèlement et la suite de votre lecture se fera bonne (si elle se fait...)


Ne pensez pas que je prends plaisir à écrire de telles divagations, je me languis de vous. Chaque mots, chaque mélodies me ramènent à vous et toujours avec le sentiment d'amertume. Auriez-vous l'amabilité d'ôter ce goût âpre qui règne en maître dans ma bouche? Pourquoi ne pas m'apprendre d'autres sentiments? Plus aphrodisiaques... Avec de la papaye ou de la goyave, pourquoi pas. Je rêve de poser mes talons sur les îles et de m'allonger sur ce sable, vous le savez. Vous connaissez parfaitement mes envies de voyages et de liberté. Néanmoins, cette année encore je serais restreinte à cette charmante digue du Languedoc, qui reflète un côté idyllique: celui que vous avez connu l'année de notre rencontre. Coïncidence.

Cette année, je me pavanerais au soleil, seule, sans conversations distinguées et sans Monnet en guise d'arbitre. Je laisserais mon corps dans cette mer saturnienne, cette mer pure, cette mer éblouie mais si triste. Dénouée de sens à cause de votre absence. Plus d'après-midi au soleil, allongés sur des tissus, plus de balade à vélo. Ni même de soirée le long du littoral au goût de bière et de grenadine, avec pour seule lumière: la ville. Je me ressourcerais sur les bords de ce palmier (la signification est forte) en espérant vous voir arriver depuis l'allée du Port. Je rêverais. J'espèrerais et toutes mes forces seront réunies. 

Je suis tellement déçue, déçue de moi-même; cette jeune personne que je vomis. Celle qui est difficile de porter en soi. Celle que je regrette. Cher ami, j'implore votre puissante intelligence et respecte votre réflexion. Pardonnez-moi de l'avoir importuné par le biais de ce courrier mais je vous demande solennellement de réfléchir à votre venue en ce mois de juillet qui arrive à grand pas... 

Ne me mépriser pas; je suis peut-être à vos yeux une charogne mais derrière chaque pourritures morales, chaque infortunes se dissimulent les plus splendides déclarations. Sans vous, je suis en carence. Il me faut à tout prix, dans chaque immédiats, votre optique sur les choses. La force des choses comme disait Beauvoir en 1963. Et si votre mémoire est favorable, vous devriez vous rappeler de cette forte idolâtrie que je porte envers cette femme d'exception. Ces choses comme je vous le disais peuvent être ainsi: " Charles Baudelaire en choisissant les amours d'une nuit avait-il sacrifier l'image unique de sa mère et son amour fusionnel jusqu'à en perdre la vie? Les prostituées qu'il baisait lui ont apportées la syphilis, de laquelle il mourra. La mort de Baudelaire serait-elle liée à sa mère?" Je pourrais dépérir pour obtenir vos pensées à cet égard. L'idée rationnelle de tenir ce débat avec vous me fait tressaillir. Mes cours de français sont si captivants et vous seul pouvez le concevoir. 

Pour en revenir à Madame de Beauvoir, vous êtes la combinaison parfaite de ses deux amours: vous portez la sagesse et l'intelligence de Sartre et vous procurez la passions et les élans de romantisme de Nelson Algren. Voilà pourquoi avec vous, j'ai l'air d'être si importante. 

La question la plus énigmatique de nos jours jamais résolue est la suivante: Pourquoi ne pas être  justement avec vous? Je vous répondrais avec grâce et tendresse qu'il m'aurait fallu du temps pour vous connaitre d'avantage, de l'argent et des études entamées dans un domaine précis... et cela à mon jeune âge est impossible. Vous m'inspirez une sensation adultère et j'exige vous le rendre comme il se doit. Et encore une fois, le temps joue. Pardonnez mes élans frivoles, mes caprices et mes béguins de gosse mais vous-même le savez sur le bout des doigts que notre pacte d'amour vaut mieux que tout cela. 

Néanmoins, si vous avez voulu rompre ce lien, je suis dans l'obligation d'accepter votre malheureuse démarche et dans ce cas là...  Autant bien le faire; d'après un roman moderne, il me reste encore deux ans pour vous aimez (Beigbeder).

Vous recevrez d'autres lettres ultérieurement et je finirais donc celle-ci avec un ver de Molière issu de Tartufe : "J'aurais toujours pour vous, ô suave merveille, une dévotion à nulle autre pareille."

Avec le respect le plus distingué 

DC


* Dendrolague: mammifère arboricole. Référence au surnom "le castor" donné par Jean-Paul Sartre à Simone de Beauvoir dans leurs échanges épistolaires. 

LA MER OSMOSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant