Chapitre 2# Un jeu

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Cela faisait une heure que le bus nous avait laissé à la gare. Assis sur des bancs dans l'attente de notre train, Alan et moi nous partagions un sac de chips tandis qu'un vieil Ancêtre venait s'asseoir sur le banc voisin. Je me surpris à détailler ses petits membres frêles, son dos vouté, ses rides, son crane chauve. Et tout à coup, j'imginais ma mère, 30 ans plus tard. La vieillesse la rendra peut-être encore plus excentrique. Plus seule. Plus malade. La vieillesse me parut alors affreuse. Je grimaçais en imaginant la souffrance des Ainés, et je fis secrètement le voeux de mourir jeune. Je me retournais vers Alan, et je vis qu'il me regardait aussi. Un peu gênée et surprise, je commençais vite la conversation avant que la situation ne devienne encore plus embarrassante.

-Bon, alors si j'ai bien compris, tu es journaliste, c'est ça?

-En quelques sortes...

-Mais tu ne publie pas tes articles.

-Ouaip.

Je souris. Il éclata de rire.

-Ne souris pas comme ça, je vois bien que tu me trouve ridicule!

-Pas tout à fait. Tu me fais penser à quelqu'un.

En effet, Alan avait les même rêves que Papa. Et les mêmes débuts. La sérénité, c'était ce qu'il cherchait dans l'écriture. Et il voulais partager cette paix avec son entourage.  J'espérais pour Alan qu'il n'ai pas la même fin.

-Qui?

-Mm, quelqu'un.

-Ça ne répond pas vraiment à ma question. Mais bon, au moins je sais que ce n'est pas un  chien.

On rit. Ce garçon était vraiment capable de me faire sentir bien. J'avais quitté la maison à peine deux heures plus tôt, mais je me sentais déjà beaucoup mieux. Je savais qu'au fond de moi que je pouvais tout lui dire. Mais cette idée resta enfouie en moi, tandis que sa curiosité grandissait. Toujours aussi entêtée, je proposais.

-Et si on jouait à un jeu, plutôt?

-Dis toujours.

-Tu m'as l'air perspicace. Alors vas-y, devine de moi ce qui te tente. Et moi je confirme ou infirme...

-Si c'est le seul moyen de savoir qui tu es, j'suis prêt à essayer.

-Cool, mais si tu veux bien, on ira au fur et à mesure, parce que le train arrive.

-Ça m'va.

Et c'est ainsi que petit à petit, une parcelle de moi était révélée à ce nouvel ami.

Appelez-moi JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant