Prologue

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Tu te souviens de ce jour où je suis partie? Je t'avais laissé une note sous le pot de fleurs vide que tu laissait sur la table du salon et que tu arrosait matin et soir. Une petite feuille écarlate, sur lequel j'avais écrit en lettres moulées, pour que tu puisse les lire, les mots tranchants qui expliquaient mon départ. Ce soir là, c'était mon quinzième anniversaire. Tu m'avais offert un trombone "magique" orné d'une grosse marguerite de plastique. En fait, ce n'était qu'un accessoire de bureau ordinaire que tu avais trouvé dans une paire de souliers fluo que tu avais acheté dans une fripe-prix, mais malgré tout, c'est ce trombone que j'ai décidé de garder en souvenir. Pour me rappeler de ma vieille mère folle, et de mon défunt père aux marguerites. Et aussi pour me souvenir toujours de la raison de ma fugue. Je fît tenir le trombone dans mes cheveux, comme une barrette. Un coup d'oeil dans le miroir, et j'était prête. Je détestait l'admettre, mais mes mèches bleues allaient à merveille avec ce nouvel accessoire original. Après avoir ramassé toutes les affaires les plus utiles que j'ai trouvé: baskets, mitaines, casquette, briquet, calepin, carnet d'adresse, paquet de chewing-gum aux fraises, barres tendres, imperméable, bas, et ma trousse à pharmacie, avec ma brosse à dent et mes trucs d'hygiène personnelle, j'étais descendue à pas de loup dans ta chambre. En ouvrant la porte, je fût prise de nausée. Une forte odeur de lilas et menthe s'en échappait, mêlée à celle du tabac. En me couvrant le nez, je traversait ton fouilli. Ta tente de camping fuschia, au centre de la pièce semblait me dévisager. Je vis alors les morceaux d'un miroir fracassé sur lequel tu avais peint papa, autrefois. Tu gardais ces morceaux dans ce qui me sembla être un bol, avant que je ne comprenne que là se trouvait l'autre moitié de mon ancien globe terrestre. En poussant un sac de terre du pied et en arrachant une toile d'araignée aspergée de peinture, je me suis faufilée jusqu'à la petite table de nuit. J'avais alors ouvert le tiroir et extirpé ton iPhone et un petit tas de billets. Puis j'avais sauté par la fenêtre et j'étais tombée nez-à-nez avec Lou ta truie. Cette fois, elle portait un drôle de veton fleuri et un collier de perles. Elle me regarda de ses yeux vitreux avant de rejoindre la vieille niche de chien qui lui servait d'abri. Je jettais alors un regard à tes marguerites. Tes dernières amies. Celles avec qui tu conversais pendant des heures et à qui tu servait le thé. Soudain, un sentiment de rage m'envahi. Incontrôlable, je m'étais mise à les piétinner, une à une, avec une jubilation malsaine. Lorsque je m'étais réveillé de ma folie, je m'étais éffondrée en larmes sur le gazon humide. Mes sanglots étaient bruyants, mais tu n'en savais rien. Tu étais occupée à taper sur tes casseroles oranges avec une cuiller en bois en balançant la tête au rythme de ce que tu appelais de la musique. À cette pensée, je m'étais relevée, plus déterminée que jamais, et je pris la route de Londres.

Appelez-moi JeanneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant