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Juliette s'écroule contre le sapin, des larmes de panique coulant tels des fleuves en crue sur ses joues blafardes. Elle remonte ses genoux contre sa poitrine, enfouissant son visage d'enfant dans ses bras. Elle est perdue dans la forêt, mais aussi par les événements. Elle ne comprend plus rien... D'abord, ces bruits et autre sortes de mélodies funèbres, l'orgue, les portes qui claquent... Ensuite, sa poupée préférée qui la pourchasse, semblant même vouloir la tuer...

- Qui pourrait avoir fait cela ? interroge la fillette tout haut en murmurant, presque dans un souffle.

Elle sèche quelques larmes, et tente de réfléchir, en attendant la mort.

- Papa et maman n'auraient jamais pu me faire ça, ils m'aiment... Je suis leur seule enfant. Et moi aussi je les aime, je suis sage, gentille, j'ai de bonnes notes à l'école...

Elle commence à avoir des soubresauts dûs aux sanglots qui l'agitent. Ses larmes, petits diamants sous la lune, recommencent à couler à mesure que sa réflexion aboutit.

- Ma cousine Onille non plus. C'est ma cousine préférée, et je suis la sienne, elle me l'a dit... Je vais que, à la télé, ils disent que les suspects ont de bons alibis quand ils trouvent pas de coupable... Tout le monde a de bons alibis, comment je vais faire pour savoir qui est coupable ? Qui veut... Qui veut me... Me, bredouille-t-elle. Me... Me tuer, parvient à dire la petite. Je veux savoir, je veux un coupable...

Elle renifle bruyamment tout en continuant à chercher.

- C'est une sorcière, alors. Elle, elle aurait pu ensorceler une poupée pour me tuer, elle aurait pu jouer de l'orgue maléfique dans la forêt et faire claquer les portes... pleurniche Juliette, à bout.

Elle entend alors un bruit à sa gauche. Bondissant sur ses pieds, elle se tourne vers l'origine du son et tombe nez-à-nez avec la Princesse du Royaume Enchanté.

- Cesse de fuir, grince la poupée.

Mais la pauvre fillette, oubliant sa peur, lui crie, désespérée :

- Je veux pas mourir !

- Je ne vais pas te laisser le choix, rétorque la poupée. Je dois te tuer.

Pleurant à chaudes larmes, Juliette s'avance et lui donne un coup de pied. La poupée l'évite, la pousse avec une force insoupçonnée, et lève un objet scintillant au-dessus de la petite fille, tombée au sol.

- C'est pas moi qui veut te tuer, Juliette, ma Juliette... Mais c'est le maître. Alors, ainsi soit-il. Meurs.

L'objet tombe sur sa cible, qui pousse un horrible hurlement qui se termine en affreux gargouillis lorsque ses poumons sont transpercés. Le sang gicle et tache la robe de la poupée, ainsi que sa peau cireuse, mais les yeux de verre restent immaculés.

Une fois le cadavre réellement figé à jamais, la marionnette se redresse par saccades et fixe le lointain, perdue dans ses pensées. Mais une poupée peut-elle avoir des remords ?

Le liquide de vie s'écoule lentement sur le sol de la forêt, imprégnant la terre, se glissant jusqu'aux racines d'une fleur toute proche. A la surface, cette délicate plante se métamorphose en à peine quelques secondes, passant du blanc pur piqueté d'azur au rouge sang vif et frais.

L'assassin reprend sa marche sur le sentier, mais elle est bientôt arrêtée dans sa progression par un éclat de lumière qui fuse de l'ombre.

La forme désarticulée s'écroule au sol sans un cri, et une silhouette sort d'un buisson. Elle s'approche doucement du cadavre frais au pied du sapin, et s'accroupit. La forêt peut entendre, témoin silencieux et insensible, ces paroles prononcées d'une voix brisée et torturée :

- Juliette, ma Juliette... Un jour me pardonneras-tu d'avoir ôté ta vie par la main d'un jouet ? Ne deviens pas un esprit tourmenté par sa mort, c'est là une triste destinée. Tu mérites le paradis, Juliette. Moi, c'est l'enfer qui m'attend à coup sûr. Si j'ai ordonné ta mort en pleine conscience, c'est que vois-tu, je suis un lâche. Je n'ai jamais osé avouer à ma propre femme et ma propre fille ce avec quoi elles vivaient. Qu'elles reposent en paix, au moins j'aurai apaisé l'une des deux. Mais ne m'en veux pas si vite, je t'ai épargné une mort bien plus atroce. Vivre dans la peur, redoutant le trépas à chaque pas, tout cela à cause de son ascendance, est-ce une vie ? C'est tout juste bon pour écrire la pauvre histoire d'une héroïne maltraitée par le destin. Alors va au paradis en sachant ta chance. Car tu n'es pas morte en sorcière. Je t'aime, ma Juliette.

Le lendemain, une petite annonce au journal annonce le décès d'une famille entière vivant en ermite dans une forêt. Le mère et la fille sont décédées dans des circonstances étranges, un couteau en pleine poitrine, tandis que le père a trouvé la mort quelques heures plus tard, dans un suicide probable, à raison d'une balle dans le crâne. Paix à leurs âmes. S'ils en avaient une.





Bonjour ! :)

J'espère que vous avez apprécié votre petit voyage en compagnie de Juliette et sa poupée. J'aimerais beaucoup avoir vos réactions, parce que c'est la première fois que j'écris dans la catégorie horreur. Cette nouvelle est plutôt courte mais j'espère que vous avez quand même frissonné, ou à défaut un peu stressé pour la vie de la pauvre Juliette. :)

Dites-moi tout, et n'hésitez pas à jeter un oeil à mes autres fictions ! ^^

A bientôt !

Acculée [FINIE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant