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 Les notes d'orgue se font de plus en plus fortes, puissantes, insistantes. Les bruits extérieurs se démultiplient et les craquements de la maison suivent la danse. La valse entraîne bientôt les volets et les portes. La petite fille se met à hurler sous son drap.

  Alors, soudain, tout s'arrête. Le hurlement de la pauvre victime meurt dans un silence des plus funestes. De longues minutes passent sans que rien ne bouge dans la maison et alentours.

  Puis, un oeil sort des draps à motif de coeurs. Le visage suit et la tête s'extirpe de sa cachette. Elle regarde sa chambre, elle tend l'oreille. Qui dit que tout est fini ? D'ailleurs, qu'est-ce que ce « tout »?...

- Que s'est-il passé ?... murmure la petite fille.

  Elle se lève de son lit et avance doucement vers ses poupées. Elle attrape sa favorite, et lui dit, les yeux dans les yeux :

- Que s'est-il passé ?

 Mais, évidemment, elle ne répond rien, restant figée dans un sourire lugubre face à sa maîtresse. Ses yeux roulent dans leurs orbites et fixent le sol. La petite fille soupire.

- Je suis toute seule, j'ai peur, comment peux-tu rester si calme ? Je sais que tu n'es qu'une poupée, mais si seulement tu pouvais parler.

Elle secoue sa poupée.

- Hein ? Que dirais-tu face à ce qui s'est passé ? C'est fou, je deviens folle, c'est pas possible ! Ou alors il y a une sorcière, comme celles dans l'histoire que papa m'a donnée hier. Elle va me tuer, elle va me mettre dans une marmite et me faire bouillir !

 La poupée reste de cire. La petite fille devient rouge de colère. Toute sa peur s'évacue lorsqu'elle jette sa poupée à travers la chambre et hurle :

- Tu t'en fiches ! T'es pas mon amie ! Tu parles même pas !

 Le mur saumon reçoit le choc sans frémir, mais le corps désarticulé s'écrase au sol en silence, face au mur. Les cheveux de la poupée s'étalent sur le parquet et sa robe forme un éventail de dentelles sur le bois. La fillette pleure en silence. Elle saisit sa deuxième marionnette tandis que des larmes de rage coulent sur son petit visage enfantin.

- Et toi... T'es moche !

  L'innocent jouet rejoint son semblable contre le mur. Elle a bien conscience, petite fille de sept années, que ce qu'elle fait n'est pas mérité, ni logique, et que ce n'est que le contrecoup de sa frayeur épouvantable. Mais elle n'en a rien à faire : Sa maison n'est plus qu'une prison à ses yeux, une cage effrayante, une maison hantée, pire que celles des fêtes foraines.

  Elle s'adosse au mur, épuisée d'avoir pleuré, larmes séchées, et souffle entre ses lèvres fines et blanchâtres. Elle prend ses genoux dans ses bras en glissant jusqu'au parquet, et plonge son visage dans ses mains. Elle a eu si peur, elle ne comprend pas ce qu'il s'est passé...

  Qu'est-ce que c'était ? Tous ces bruits, ils ne provenaient pas de dehors, ou alors certains seulement. Ors, rien ne se trouve dans la maison, hormis la fillette. L'orgue est un mystère à lui seul. Comment les sons d'un tel instrument ont-ils pu arriver jusqu'à ses oreilles ? Aucun orgue n'a jamais été installé ici ! S'il venait de la ville, la distance était trop grande ! Les mélodies ne pouvaient pas franchir autant de kilomètres. Les volets qui claquaient étaient peut-être le fait du vent dehors, mais les portes alors ?

  Elle gémit, complètement perdue. Elle écarte ses doigts de ses yeux azur et observe sa chambre.

  Grossière erreur.

Acculée [FINIE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant