Les Billes d'Élanor

Chapitre V

Le jardinier était la seule personne parfois visible autour de la demeure, cette dernière n'étant pas habitée. Elles profitèrent donc que la maison fût vide pour s'y cacher. La mère en passant le pas de la porte prit au passage une poignée de billes colorées qu'elle savait remplies de poison. Après être entrées, elles se précipitèrent au dernier étage. C'était le grenier, l'endroit qu'elles avaient admiré des années durant. La petite Joya, suivie de près par sa mère, poussa, de ses petites mains, la lourde porte qui permettait l'accès aux combles. Ainsi elles pénétrèrent dans la pièce, baignée des dernières lueurs du soleil. Elles barricadèrent ensuite l'entrée pour empêcher quiconque voudrait les interrompre dans la découverte de ce lieu qui les avait tant fascinées. Ce fut avec émerveillement qu'elles découvrirent que ce grenier à première vue abandonné, renfermait une riche et grande bibliothèque garnie de multiples livres aux reliures d'or. De petites commodes exposaient de magnifiques bibelots qui semblaient captiver la fillette. Élanor, s'approcha lentement de la fenêtre où un couple de colombes les observait. Lorsqu'elle se pencha pour admirer la vue que lui offrait cette fenêtre, les deux oiseaux d'un blanc immaculé, aussi purs que la neige, s'envolèrent vers l'horizon. Joya s'approcha de sa mère pour regarder la maison qu'elles avaient fuie. Malgré sa proximité, elle se sentait bien loin des problèmes qui l'avaient préoccupée. La mère et son enfant prirent place sur le rebord de la fenêtre pour profiter de ce moment de calme qu'elles avaient tant désiré. Élanor prit ensuite deux des billes de couleur qu'elle avait précédemment ramassées dans l'entrée. Il y en avait une bleue et une violette. Élanor pris la violette, elle hésita avant de l'avaler mais Joya, à la suite de sa mère prit la seconde bille et la porta à ses lèvres marquées d'un sourire. Elle était heureuse d'être avec sa mère et de savoir que leur bonheur n'avait désormais plus de fin. Joya avait choisi de suivre sa mère dans la mort plutôt que de retourner avec son père aimant envers elle, mais cruel envers les autres.

Quelques instants plus tard, enivrées par l'étrange poison des billes, elles furent captivées par une nuée d'oiseau de toutes sortes approchant d'elles. Ce merveilleux mélange de créatures volantes semblait inciter Élanor et Joya à participer à leur ballet aérien. Et ce fut ainsi qu'elles s'envolèrent tels deux oiseaux libres drapés de robes claires. Durant un instant, leurs silhouettes parurent se confondre dans cette nuée volante sous le soleil déclinant de septembre.