Troisième chapitre

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Lucia et les trois Chasseurs gris arrivèrent au village proche de la tour avant midi, après une courte chevauchée. À cette heure et si loin de la place centrale du village, les rues étaient presque désertes.
Sélène héla une jeune fille qui était en train de porter une botte de foin. Elle était à la fois intriguée et impressionnée de voir des voyageurs armés et à cheval.
- Peut tu m'indiquer la direction de la tour de Mage ainsi que celle d'une auberge disposant d'une étable et de chambres libres ? demanda Sélène avec un sourire engageant.
La jeune fille avait un visage émacié et une silhouette fluette. Elle bredouilla quelques mots hésitants en indiquant une direction à l'horizon du village. Sélène se retourna vers ses compagnons et récapitula :
- La tour est au milieu d'une clairière à l'est de la route sortant du village, après un ruisseau. Elle dit qu'il y a une auberge convenable sur la place du village.
Lucia réfléchit quelques secondes :
- Toi et Passius, allez réserver 4 chambres à l'auberge et commencez à interroger les villageois sur ce qu'ils savent de Darius et de sa disparition. Barthélémy et moi allons inspecter la tour. On vous rejoindra ce soir.
Les quatre Gardes argentés traversèrent le village au trot et se séparèrent sur la place du village. Lucia et Barthélémy continuèrent sur la route qui menait à l'autre sortie du village tandis que Sélène et Passius se dirigeaient vers l'auberge, une bâtisse en pierre massive, à l'aspect convivial.
En suivant le chemin sortant du village et serpentant dans la forêt aux arbres épars, Lucia et Barthélémy aperçurent sur la route, campants à côté d'un ruisseau, un groupe de trois soldats.
En les entendant arriver, les hommes, occupés à dépecer un cerf, levèrent la tête. L'un d'entre eux, le seul à porter un insigne à son armure, se leva et s'approcha d'eux en les saluant.
- Vous êtes de la Garde argentées c'est ça ? Je suis le colonel Hans Lieric. On est de la milice du village. On avait ordre, en cas d'incident dans la tour de ne pas s'approcher et d'attendre votre arrivée.
Barthélémy et Lucia mirent pied à terre. Cette dernière pris la parole :
- Très bien. Il pourrait rester des sorts de défense dangereux ou des obstacles du genre. Qui a découvert le corps ?
- Une femme du village qui lui apportait ses vivres. Les habitants se relayaient, venants tous les trois jours, pour l'approvisionner, faire le ménage, transmettre ses messages...
- Il n'avait pas de domestique ou d'archiviste pour ça ?
- Apparament, contrairement à d'autres Mages, il vivait en ascète. Les villageois n'était même pas autorisés, à part très rarement à monter plus haut que sa chambre, au premier étage. Il y a ensuite son laboratoire alchimique, sa bibliothèque et bien sûr la salle du livre noir, au dernier étage.
- Et où a-t-il été retrouvé ?
- La villageoise est entrée au rez-de-chaussée et a appellé. Comme il n'a pas répondu, elle est montée et a découvert dans son lit un squelette entouré de cendres. Elle a prévenu la garnison. L'inquisiteur du village a conclu que Darius avait été assassiné et son corps incinéré magiquement. C'est pour ça que la Garde argentée a été prévenue.
- Vous pouvez lever le camp colonel. Nous nous occupons du reste.
Le milicien salua avant de se retourner vers les deux soldats. Ces derniers abandonnèrent la carcasse du cerf et commencèrent à replier les tentes.

Lucia et Barthélémy trouvèrent la tour à quelques minutes de marche, les chevaux à leur côté à cause des arbres trop rapprochés pour se déplacer en monture. La tour était au centre d'une clairière illuminée par le soleil de midi, offrant un contraste saisissant avec la forêt épaisse environnante qui ne laissait passer dans les sous bois humides presque aucune lumière.
Barthélémy sortit de sa besace de voyage un étrange pendentif.
Il s'agissait d'un détecteur de magie. De nombreux inquisiteurs et Gardes argentés possédaient des objets semblables. Il s'agissait de pierres ou de pendentifs ayant une réaction spécifique en cas d'utilisation de magie à proximité. Lucia par exemple avait enchâssé dans le pommeau de sa rapière un cristal vibrant en cas d'émanations magique proche. Mais le détecteur de Barthélémy était tout à fait différent. C'était un globe d'environ 5 centimètres de diamètre qui renfermait des aiguilles et anneaux pouvant tourner de plusieurs façons. Barthélémy pouvait ainsi déterminer la direction, distance, dangerosité et même ancienneté de toutes sortes de sorts et glyphes en observant les déplacements des aiguilles et anneaux. Le système était incroyablement complexe et même Léo avait jeté l'éponge après une discussion de plusieurs heures avec Barthélémy. Pour cause, ce dernier était l'expert en magie et sorcellerie du groupe. Il était incapable de lancer un sort mais pouvait être comparé à un géomètre entrant dans un bâtiment, capable d'analyser du premier coup d'œil angles et longueurs, sans avoir aucune idée de comment le bâtiment en question avait été construit.
Barthélémy observa pendant quelques secondes le détecteur avant de dire :
- On peut y aller. Il y a rien jusqu'à la tour.
C'est Lucia qui passa en premier. La capitaine-inspecteur parcouru attentivement des yeux l'herbe courte de la clairière. Les seules traces présentes étaient une sorte d'une sentier menant à la tour, probablement créé par les passages successifs des villageois.
Lucia s'approcha, dégagea les touffes d'herbe sur le sentier et palpant à plusieurs endroits et avec attention la terre battue :
- Des traces de pas, anciennes, nombreuses, des mauvaises chaussures de tailles différentes. Les villageois venant ici régulièrement, dont la femme qui à découvert le corps. Elle a laissé des empreintes peu profondes et rapprochées à l'aller et des plus profondes et éloignées au retour. Elle a couru, sûrement jusqu'au village. Il y a aussi des traces d'un petit chariot, anciennes.
Barthélémy, penché à côté d'elle vit les yeux de sa supérieure se plisser. Elle avait découvert quelque chose.
- Des traces fraîches de chaussures de qualité, moins de deux jours.
Elle avança accroupie, remontant le sentier vers l'édifice.
- Une piste s'éloigne de la tour puis une autre, même chaussures, y revient. Les traces de retour sont moins espacées et beaucoup plus profondes.
- Donc si j'ai bien compris, reprit Barthélémy, soit la personne qui a quitté la tour s'est fait voler ses chaussures par un colosse aux petites jambes...
- Soit la personne en question est revenue en portant un objet lourd, l'interrompit Lucia sans relever le trait d'humour. Pendant que tu vérifiait la clairière avec ton détecteur, j'ai inspecté la terre de la forêt. Elle est sèche et ne laisse aucune trace, même pas derrière nos chevaux. Ces traces là seront sûrement les seules qu'on pourra utiliser. Je n'en ai pas vues d'autres exploitables depuis le ruisseau.
- Tu es toujours autant à l'affût.
- Ce n'est pas une enquête ordinaire.
- C'est vrai, tu as raison. Il fit une pause, attendant une éventuelle réplique qui ne vint pas. On entre ?
Sans répondre, Lucia se redressa et se mit en marche vers la porte de la tour.

Ils entrèrent dans la tour avec prudence, Barthélémy ayant ressortit son détecteur. Le rez-de-chaussée était complètement vide de meubles et ne comptait aucune fenêtre. La salle circulaire, vide et sombre donnait à l'escalier menant au premier étage une connotation absurde et obsolète.
Barthélémy continuait de fixer son pendentif.
- Il ne semble rien avoir de magique à cet étage ou au prochain.
- Continuons, répondit simplement la capitaine-inspecteur.
Ils montèrent l'escalier de pierre, sans rambarde, très simple pour quelqu'un de l'importance du propriétaire de la tour. Le premier étage était autant dénué de superficiel que le rez-de-chaussée. Il y avait une armoire de chêne titanesque, son sommet touchant presque le plafond de l'étage. Il y avait aussi, en direction du Sud la seule fenêtre de la pièce, large de plusieurs mètres. Les volets étaient entrouverts, laissant entrer pleinement la lumière du midi. Devant la fenêtre était installée une table d'écriture, avec plusieures plumes, un encrier et une pile de parchemins vierges. Il n'y avait aucun document écris sur le meuble, bien que la surface de la table était constellée de taches d'encres. Dans un coin, près de l'armoire était rangé un baquet pour se laver. Il était sec.
Enfin, en direction du Nord, à l'opposé de la fenêtre, un lit rustique était plaqué contre le mur autant que le permettait la forme circulaire de l'édifice.
Dans le lit reposait un squelette, allongé sur le côté, sous des draps remontés jusqu'à mi-torse. Ses bras étaient repliés devant lui, évoquant une position fœtale. De la cendre environnait le cadavre et une partie était tombée du lit, glissant le long des couvertures. Lucia s'approcha du corps, porta sa main aux cendres et les sentit en les frottant entre son pouce et son index :
- C'est bien des cendres humaines.
- Et ça bien été fait magiquement, compléta Barthélémy, toujours fixant son détecteur.
- Selon le soldat, les pièces suivantes sont le laboratoire, la bibliothèque puis la salle du livre. Je propose qu'on attende Léo pour y aller, on risque plus d'abîmer des indices qu'il pourrait exploiter que les interpréter nous même.
- Je l'accompagnerait, il semble que la seule source de magie soit au dernier étage.
- Très bien. Rentrons pour voir ce que Passius et Sélène ont appris en interrogeant les villageois. Fais attention à ne pas marcher sur les traces.
Barthélémy rangea le détecteur dans sa besace en acquiesçant.

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