Artois, 30 mai 1915.
Mon cher Antoine,
Puisque j'ai enfin la permission, inattendue, de t'écrire cette lettre, je me le permets. Toi qui es à l'arrière depuis novembre 1914, voici des nouvelles du front. Les Allemands sont depuis peu de plus en plus inventifs. Ils ne créer pas de simples armes, non, ils essaient de tous nous tuer, et ce dans d'atroces souffrances, j'en ai bien peur.
Chaque bruits nous fait peur, on sursaute pour un moindre rien. Je vais te confier, mon tendre, tout et rien est mauvais signe. Ils nous bombardent, les obus pleuvent sur nous, tout comme les morceaux de chair arrachées. Le sang en est devenu tout naturel dehors, et la nature doit se cacher : là où on se combat, ce lieu là, il ne connaît que la mort, le vide, la tristesse et la douleur.
Le sais-tu mon tendre ? Depuis peu, ils utilisent du gaz, nos masques ne servent à rien. Une fraction de seconde et on étouffe, pleurant au sol tout notre désespoir, et toute notre solitude. Et même avec nos masques, le gaz est trop violent, il passe par les pores de notre peau, il brûle tant... Mais rien ne sert à nous soulager dans notre souffrance, alors on attend une balle qui finira dans notre crâne pour cesser notre vie, et achever cet enfer.
Et quand on a du répit, on ne peut dormir. Toutes ses images restent sous nos paupières et nous maintiennent éveillés. On en pleure, certains s'en arrache les yeux... mais rien ne suffit, ses horreurs là c'est pour toujours, c'est à tout jamais. Sans doute on ne s'en sortira pas.
Mais quand c'est la furie, les bruits ils veulent notre peau. L'odeur aussi. La chair calcinée, le chlore des gaz, le sang, la poudre... tout se mélange mon tendre. Et ça pue la charogne avec tous les cadavres qu'on ne peut évacuer, et ça fait tourner la tête, mais on ne peut rien y faire. Pas de trêve, ce sont les ordres.
Et pendant que je t'écris, j'entends les cris et les hurlements. Ça pleut des bombes ici, la pluie de sang et de fer... Le son des morts et de tous ses os brisés... mon tendre, heureusement tu n'es pas là...
On creuse nous-même nos tombes, nous sommes des rats, mais on est obligé de rester dans le navire. On pus, on peut pas se laver, ni même se raser...
Mon tendre, je ne reviendrais peut-être pas, je ne sais pas... Et si je reviens, serais-je vraiment moi ? La Mort et la Guerre m'ont marqué, et ce... à tout jamais.
Je ne sais si tu recevras, ou si tu liras cette lettre... c'est vrai, je ne sais même pas comment tu vas... Je connais le coursier, il viendra jusqu'à toi par lui-même...
Je t'en prie, toi mon tendre... ne me laisse pas... ne m'oublie pas...
À toi mon tendre, de tout mon amour,
Ton Ross
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Les Mémoires d'un Soldat
Historical FictionL'histoire d'un soldat au grès de ces lettres