— Eh... Je veux dire excuse-moi, tu ne serais pas dans ma classe ?
Elle se retourne et me regarde longuement. Sa robe blanche en dentelle flotte légèrement dans le vent. Ses pieds nues gouttent le froid de la houle. Je m'avance prudemment.
— Qu'est-ce que tu fais ? je demande à mi-voix.
— Je cherche une sortie... susurre-t-elle.
— On est à la plage.
Elle ne dit mot, et j'avance de nouveau. La mer est calme, les mouettes absentes et le vent doux. C'est une belle soirée pour se promener. C'est ce que ma mère me disait. Je pense qu'elle en avait surtout marre de m'avoir sur ses pattes.
J'observe la fille du coin de l'œil. En réalité, je la scrute. Ses cheveux longs et noirs dansent sur ses épaules frêles. Ses bras nues sont pâles comme tout le reste de son corps. Des petites cicatrices remontant jusqu'à son avant-bras me donnent la chair de poule.
— Ton bras... C'est à cause d'un accident ?
— Je me suis tailladée.
Ok... Je change de sujet.
— Je ne sais pas, si tu vois qui je suis. Je suis le nouveau, je viens de Paris. Ça fait seulement deux semaines que je suis arrivé. Avoir la plage tout près, c'est vraiment génial. Une vie de rêve.
Elle tourne enfin son regard vers moi. Ses grands yeux noisettes me détaillent longuement, assez pour que mon visage prenne de la couleur. Son visage fin semble anéanti. Son regard est vide, comme si la personne à l'intérieure d'elle avait disparu. C'est étrange, je l'ai vue de nombreuses fois et son regard n'était pas aussi accablé.
— Ça va ? je m'inquiète.
— Ça ira. Je suis née la nuit, à 21 heures 30.
— Ah...
— Aujourd'hui, précise-t-elle.
— C'est ton anniversaire ! Joyeux anniversaire, je m'exclame.
— Ça le sera dans une heure trente. Tu crois qu'il fera nuit à cette heure-là ?
— Oui, je pense. Pourquoi ?
— J'aimerais voir les étoiles une dernière fois.
Cette fois-ci, je m'avance une dernière fois. Mes chaussures sont complètement trompées, ma mère va me tuer. La fille me regarde avec de l'incrédulité. Son visage exprime enfin une expression et cela lui redonne vie.
— On devrait retourner sur la plage pour ne pas attraper froid.
— Pourquoi tu me parles ? me coupe-t-elle.
— Pardon ?
— Tu es arrivé, il y a deux semaines. Tu me voyais et pourtant, c'était comme si j'étais invisible. Pourquoi, j'apparais à tes yeux désormais ?
— Ta question est bizarre. Je marchais simplement sur la plage et je t'ai vue seule. J'ai cru te reconnaître de dos. Voilà tout.
Elle m'observe et semble ne pas réellement me croire, alors j'ajoute.
— Tu n'étais pas invisible pour moi, seulement inaccessible...
Qu'est-ce qui me prend de dire ça ? Je la connais que de vue. L'ambiance est vraiment étrange. Je tente de changer de nouveau de sujet.
— Tu cherchais une sortie !
Elle hoche la tête lentement.
— Pour aller où ? je la questionne.
— Dans l'au-delà. Je veux mourir. Je veux la paix.
Je cligne des yeux longuement, une bonne minute s'écoule après ses mots. Je reste interdit. Je la regarde de nouveau, encore plus attentivement et me demande bien, qu'est-ce qui peut pousser une jolie fille vers de telle idée.
— Pourquoi... Je veux dire, tu ne devrais pas car ce n'est pas la solution.
C'est la phrase la plus clichée que j'ai pu sortir de mon existence. Mais qu'est-ce que je peux dire d'autre ?
— Je suis épuisée.
— Alors, je t'accompagne.
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Disconcert
General FictionIls sont là, mais on ne les voit pas. Chacun porte son masque, son costume et son rôle pour cacher une réalité plus sombre. Voici leurs histoires.