Un courant froid me réveille. J'ouvre les yeux brusquement. Lentement, je m'habitue à la pénombre. J'ai du mal à me situer, il me faut une bonne minute pour remarquer que je suis allongé sur mon lit. Je jette un rapide regard sur ma fenêtre. Mes volets sont toujours ouverts, j'aime être réveillé par la lumière du jour. Pourtant, la nuit et la lueur des étoiles sont encore là. Je soupire faiblement.
Ça a recommencé.
Je ne sais pas ce que je dois faire. Enfaîte, si, je le sais. Maman me le dit depuis toujours. Ferme les yeux et ignore, ça passera. Mais est-ce que je peux continuer comme cela ? Faire comme si je ne savais rien ? Je soupire bruyamment, une nouvelle fois et m'allonge sur le ventre.
Quand je ferme les yeux, je la vois : sa peau pâle, ses pieds sous l'eau et ses cheveux noirs dans le vent. Elle est dans ma classe. Je ne me souviens plus de son prénom. A vrai dire, je ne lui ai accordé qu'un seul regard... Parce qu'elle était dans mon champ de vision.
Je me lève et jette un regard rapide à mon téléphone : 6 h 00. Je dois me lever dans trente minutes de toute façon. Une nouvelle nuit gâchée par cet épisode nocturne. Je me dirige dans ma salle de bain pour faire ma toilette quand je rencontre mon regard dans le miroir.
J'ai les cheveux en bataille et je m'en moque royalement. Sérieusement, qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour mériter cela. Attend-il quelque chose de moi ? Ou, alors c'est un pur hasard du destin ? Personne ne peut répondre à ces questions, personne. Je vais ignorer, c'est simple d'ignorer et de faire comme si je n'ai rien vu, comme si je ne savais rien.
Une fois ma toilette prise et mes affaires de cours prêtes, je me mets à table avec trente minutes d'avance. Je déjeune tranquillement en regardant les informations, mais très vite mes pensées dérives. Ma mère et moi avons quitté Paris, pour une petite ville perdue près de la mer. C'est calme, c'est pour cette raison qu'on est ici. Elle dit que c'est une ville sans problème, donc je ne risque aucun épisode nocturne. Mon cul !
— Tu t'es levé tôt.
Je sursaute avant de regarder en arrière.
— Bonjour maman. Je n'avais plus sommeil.
— Hum... fait-elle en prenant place en face de moi. Ce n'est pas à cause d'un épisode nocturne ? On sera tranquille ici, il n'y a jamais eu de problème de ce genre.
— Non. Je n'en ai pas eu, je mens faiblement.
Elle me regarde lentement, avant de secouer la tête joyeusement.
— Parfait, tu verras ! On sera heureux, mon trésor.
A ses mots, elle retourne dans sa chambre avec le sourire. Pour ma part, j'attends que le temps passe en me gavant de confiture.
Une fois au lycée, je rejoins mon cours de la journée. Je sens mon cœur battre la chamade. J'ai peur de la voir. Plus je la verrai et plus l'épisode durera jusqu'au moment fatidique. Pour éviter cela, il me suffit de ne pas la regarder. Si je ne la regarde pas, ça partira d'ici deux nuits. Si je ne la regarde pas, tout ira bien pour moi. C'est ce que je me répète tout le long de mon trajet jusqu'à ma place, au fond de la salle. C'est un cours de sciences économiques et sociales de deux heures, je peux tenir sans l'avoir dans mon champ de vision.
Les minutes passent, le prof blablate et mon regard ne quitte pas son visage. Toute ma concentration est focalisée sur ses mots, je n'en rate pas une miette. En réalité, je ne suis pas un élève exceptionnel. Je suis un bon élève, lambda. J'ai pris l'habitude depuis petit de me concentrer sur une personne qui n'a pas prévue de... Bref, une personne qui ne me provoque pas d'épisode nocturne. En règle générale, ces personnes sont mes instituteurs. Je finis par oublier le temps qui passe, et la sonnerie me ramène à la réalité. La première heure de cours est passée, tout le monde sort pour prendre l'air. Un jeune homme en profite pour venir me voir :
— Salut, alors tu t'habitues bien à la vie de province.
— C'est toujours mieux que Paris, je réponds.
Je me lève pour sortir de classe, en gardant mon regard sur ma nouvelle connaissance quand je percute accidentellement quelqu'un.
— Excuse-moi, je bafouille en la regardant.
— Ce n'est rien.
C'est elle ! C'est la fille de la plage. Je reste figé une longue minute et peste intérieurement. Je ne vais pas y échapper.
— Victor ramène toi ! crie-t-on dehors.
— Désolé, je te laisse ! fait ma nouvelle connaissance avant de s'échapper.
Autour de nous, il n'y a personne. Nous sommes seules dans la classe : elle, son fardeau, ma conscience et moi.
— Tu es nouveau, susurre-t-elle.
— Oui, je m'appelle Eden.
— Je sais, tu l'as dit en te présentant à la classe.
C'est vrai. Je ne sais pas trop quoi dire. Un blanc s'installe entre nous, assez gênant.
— Je... je vais y aller.
Elle sort sans un mot de plus, me laissant coi.
Son parfum. C'est étrange, mais ce n'est que maintenant que je le remarque. Elle ne le portait pas à la plage. Il sent tellement bon, j'ai la sensation de retourner en enfance avec cette odeur. C'est une odeur sucrée, qui lui va bien, qui lui irait bien si elle souriait. C'est une odeur joyeuse, c'est l'odeur de la vie.
Pourtant, dans une semaine, jour pour jour. L'odeur va disparaître... comme elle.
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Disconcert
General FictionIls sont là, mais on ne les voit pas. Chacun porte son masque, son costume et son rôle pour cacher une réalité plus sombre. Voici leurs histoires.