Noble rencontre

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Je ne comprenais rien à la scène, ou du moins, je ne voulais pas comprendre. Je restai longtemps assis près d’eux à verser des larmes alors qu'Aure restait immobile sans dire un mot. Elle devait avoir compris qui étaient ces deux cadavres, car elle préféra reculer d’un pas, me laissant seul un moment.

C’était fort probablement le plus dur coup que j’eus jamais à encaisser. Mes parents m’avaient quelques fois racontés des exploits de guerres faits par certains grands  de ce monde.  Ces histoires emplies de morts glorieuses sinon mémorables faisaient un bien trop grand contraste par rapport à la mort subite et fort inattendue de mes parents.

 Un long silence à peine meublé par mes sanglots s’ensuivit. Laissant les causes et les conséquences de cet évènement, je préférai prier pour leur voyage vers l’autre monde ainsi qu’avaler le coup, si c’était possible.

 J’étais visiblement accroupi depuis longtemps, car lorsque je levai la tête, le soleil avait continué sa course pour indiquer 4h de l’après-midi. Aure, me pensant prêt, se permit d’aller chercher dans ma demeure du sel et un briquet en silex.

« Tu permets? Me dit-elle doucement »

Elle comptait bruler les corps de mes parents. En plus d’être la pratique funéraire commune chez les adeptes de l’Ancienne religion, c’était aussi l’action à poser. Les corps enterrés se retrouvaient emprisonnés dans le sol et ne pouvaient donc pas passer vers l’autre monde. De plus, la pire des solutions serait de laisser les corps ici, qui auraient tôt fait de se décomposer.

Je répondis à Aure d’un léger hochement de tête.

Alors, la cérémonie commença. Aure commença par saupoudrer le sel afin de former un large cercle blanc autour des cadavres, m’incluant par la même occasion. Elle psalmodia par la suite une prière improvisée et entrepris d’amener du bois et de tasser les feuilles mortes, pour éviter que le feu se propage. Normalement, j’aurais dû participer activement à la cérémonie, mais je n’en fus pas capable et me contentai de regarder d’un air sombre le déroulement du processus.

 Je ne sais pas si les corps empestent en brulant, mais ce que je sais en revanche, c’est que j’eus cette impression là. Ma tête tournait et j’étais aux prises avec un malaise. Mon ventre se nouait et je devenais incapable de gérer le flot d’émotions qui s’emparaient de moi. Je posai les mains au sol en soufflant un peu pendant que le reste de leurs dépouilles achevaient de se consumer.

 Aure avait fini ses incantations lorsqu’elle s’approcha de moi avec une branche de sauge séchée :

 « J’ai trouvé ça chez toi. Dit-elle en me passant la plante en dessous du nez. Dans tous mes manuels, elle est tout indiquée pour apaiser un esprit troublé. »

 Elle prit une pause, me regarda, avant de continuer.

 « Écoute Ayle, je ne veux pas précipiter quoi que ce soit, mais la pire chose à faire, pour toi autant que pour moi, est de rester ici. Je sais que c’est facile à dire, mais il reste que le feu va attirer l’attention sur nous, et j’ai de drôle de ressentiments quant à cette forêt. N’importe quel voyageur égaré serait tenté de nous tuer et de s’établir chez toi. En plus, je pense qu’il vaut mieux que tu tournes la page, c’est ce que j’ai fait avec mon oncle, je suis reparti de zéro. Si tu restes ici, tu vas te mettre à t’imaginer que tu aies pu les sauver, et pire, tu vas commencer à    culpabiliser… On ne peut rien faire pour les sauver et on a rien qui nous indiquerait la cause de leur mort… La seule chose que tu peux faire pour eux c’est sauver ta peau de leurs meurtrier … »

 Comme quiconque de sensé, je savais pertinemment qu’Aure avait raison. Après avoir terminé le rituel, nous nous sommes levés et avons entrepris de prendre les effets de mes parents.  Bien naturellement, je n’étais pas le plus pro-actif d’entre nous deux. Je ne faisais que répondre d’une voix morne à ses questions sur mes biens.

La sortie de la forêt était lointaine… En réalité, je ne l’avais jamais vue et je n’avais pas plus d’idée de sa direction. À la tombée du soleil, nous avions tous deux un sac à bandoulière contenant le minimum d’articles possibles. Aure avait pris tout le matériel de sorcellerie qui pourrait nous être utile, c’est-à-dire du sel, diverses plantes desséchées, quelques bougies, un athamé, de l’encens et quelques cristaux tel du quartz, de l’aigue-marine et de l’obsidienne.

 De mon côté, j’avais pris tout le matériel de voyage. Ce matériel se résumait à quelques noix et fruits séchés, notre briquet de silex, quelques vêtements de rechange et une grande couverture. Mis à part cela, Aure m’avait demandé la permission de prendre une arme, pour la chasse. Bien entendu, je lui accordai cela et elle ressortit peu après de mon abri avec un arc, semblable au mien, et une dizaine de flèches. L’arc de ma mère. Elle mit aussitôt les flèches dans son sac en me faisant signe de partir.

 Le soleil avait presque fini de laisser sa place à la lune lorsque nous quittâmes l’endroit. J’aurais imaginé que d’abandonner le lieu où j’ai passé la totalité de ma vie jusqu’à présent serait plus difficile que cela, mais au contraire, c’est à peine si je prenais conscience de ce qui se passait. Trop d’évènements… Trop d’émotions, à un point où je devenais indifférent face à cela.

 Nous marchâmes pendant une bonne partie de la nuit. Étant dans la force de l’âge, le sommeil n’était pas nécessaire pour le moment. Les nuits printanières sont toujours un peu plus longues que celles d’étés, il était donc environ 18 heures du soir et le soleil était déjà couché. Néanmoins, il n’était pas difficile de marcher de nuit, puisque la lune était lumineuse et éclairait suffisamment pour nous montrer le chemin.

La faim commençait à nous tenailler, nous qui n’avions pas mangés depuis le déjeuné. Une grande majorité des noix y passèrent, mais nous préférâmes en conserver une partie, quitte à chasser demain matin.

 Après avoir marché longuement, du moins, selon mon impression, nous décidâmes de nous arrêter. La lune tout autant que les étoiles étaient cachées par les nuages et nos jambes, nos pieds et mon moral étaient en train de lâcher.  

 C’est au pied d’un chêne que nous avons fermés l’œil. La mousse humide était douillette et l’air, chaud, nous nous sommes donc endormis rapidement.

Une litre d’eau jetée sur ma figure me tira brusquement de mon sommeil.

 « Allez, qu’est-ce que vous faites là, enfants, la Forêt des rois n’est pas le lieu le plus sûr de tout le pays… »

 Un homme âgé se tenait devant nous, accroupi. La main tendue vers nous, il était vêtu d’une armure et une épée se tenait à ses côtés.

 « Vous allez vers Arn? Je peux vous y mener si vous voulez, nous rentrons justement de la chasse.. »

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 21, 2014 ⏰

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