Le tigre avançait dans le sous-bois avec la souplesse élégante des lianes. Il se glissait entre les broussailles sans que les épines n'éraflent le cuir épais de sa robe. Il s'arrêta un moment pour humer le vent. Une odeur de sang à peine perceptible lui chatouilla les narines.
Il n'avait pas mangé depuis trois jours et ce fumet vrilla chaque muscle de son corps. Les griffes de ses pattes jaillirent instinctivement. Elles imprimèrent le sol humide d'une série de hachures nettement tranchées.
Le tigre reprit sa marche rapide, contre le vent, en direction de cette odeur qui lui tiraillait l'estomac.
Plus haut, dans les branches, des oiseaux multicolores piaillaient,criaient, se harcelaient l'un l'autre en se pourchassant. Le tigre n'y prêtait pas attention, pas plus qu'aux émanations suaves des plantes tropicales, ni à celles, plus lourdes, qui montaient des feuilles pourrissantes de l'humus. Ses babines se retroussèrent subitement : derrière l'odeur du sang qu'il suivait depuis un moment, une autre venait de se frayer un chemin jusqu'à sa conscience de chasseur. Une odeur de chair fraîche, saine et vivante !
Son allure s'accéléra. Il progressait toutefois dans le silence le plus total. L'on ne distinguait qu'une forme redoutable zébrant le sous-bois.
Au parfum de la chair, des sons vinrent s'ajouter : des grattements, le bruit d'une carcasse qui se disloque, celui d'une respiration soutenue. Aussitôt, le tigre ralentit. Il avançait toujours, mais en un mouvement si réduit qu'il paraissait nepas bouger. Il finit par s'immobiliser et par se tapir entre deux massifs de broussailles.
Ses yeux jaunâtres se braquèrent dix mètres devant lui et, dans leur faisceau cruel, ondulaient le dos d'un homme svelte. Un dos, à peine couvert d'une tunique en cuir brut.Les mains dansaient dans le soleil de fin d'après-midi.Elles avaient abandonné une hache de pierre dans les herbes pour vider un lièvre.
L'homme aux cheveux en pagaille écarta une fois de plus la carcasse du lièvre. L'odeur du sang jaillit, plus forte encore. Elle hypnotisa le fauve qui se dressa et bondit en avant de toute la puissance de ses muscles. Sa férocité le précéda et fulgura à travers la clairière jusqu'à l'homme brun qui se retourna, brusquement averti du danger imminent.
Il n'eut pas le temps de connaître la peur. Sa main lança le lièvre à demi vidé sur la tête du tigre encore en extension dans les airs, puis il roula de côté en empoignant sa hache. Le visage mince et jeune de l'individu se ferma sur une résolution farouche. La hache s'abattit avec rage sur le front du tigre, juste entre les deux yeux. Cependant, la vitesse du fauve était telle que, même le crâne fracassé, il continua sa course. Sa masse projeta le jeune homme par terre. Les griffes des pattes arrière déchirèrent son pantalon de cuir et lui entamèrent la peau des jambes.Celles des pattes avant frôlèrent sa gorge
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Les Hortours - dans l'enfer de la jungle
Fiksi IlmiahUn roman d'aventures se déroulant sur fond de technologie et d'une civilisation à l'agonie. Loin dans le passé, sur une planète indéterminée. Vaaxor, dernier rescapé d'une tribu décimée par les fauves, vit dans une jungle aux multiples dangers. Lors...