1; the boy kissed by the sun.

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Les jambes fatiguées...


Après cette soirée, j'pensais pas qu'on s'retrouverait à traîner tous les deux aussi souvent, mais qu'est-ce que j'ai été heureux d'constater l'contraire !  

Au début, on f'sait qu'manger ensemble, au RU, à la cafet, puis carrément en ville, après.

Ensuite, on a commencé à s'mettre à côté en cours ; on est allé bosser ensemble à la BU, alors qu'les partiels du S1 approchaient à grand pas.

Notre relation était assez étrange, parce que t'es clairement pas du genre bavard, et qu'moi j'parle beaucoup trop, mais ça avait pas l'air d'te déranger, au contraire ; tu m'disais qu't'aimais bien mes histoires, et m'écouter les raconter.

Alors j'continuais, parce que ça t'faisait plaisir.

Avec le temps, t'as commencé à t'ouvrir un peu aussi.

Ton silence rendait tes mots si précieux, j'les prenais avec soin, j'les conservais minutieusement dans mon esprit, j'voulais qu'tu saches que j't'appréciais beaucoup (p't-être un peu trop), et qu'j'te trouvais intéressant.

Mais t'avais l'air aveugle à l'évidence, parce que mes potes, qui sont même pas à la fac en plus, avaient très bien compris qu'tu m'laissais pas indifférent.

Ou alors, t'as juste pas envie d'relever, pas envie d'y croire.

T'as pas assez confiance en toi pour t'imaginer qu'on puisse s'intéresser à toi.

Tu t'dis que tu t'fais des idées, qu'c'est impossible, qu'c'est juste ton besoin d'amour, qu'c'est juste ton manque d'attention qui s'accroche au moindre signe d'affection.

Ouais.

J'ai fini par le r'marquer.

J'ose pas trop l'mettre sur la table, j'sens qu'c'est pas dans mon droit, qu'si tu veux vraiment aborder l'sujet tu l'feras très bien tout seul, tout en sachant qu'ça n'arrivera pas d'si tôt te connaissant.

Dit moi Minho, est-ce que tu vas bien ?

J'me l'demande sérieusement, t'sais.

Tu montres jamais rien, t'as un mur bien construit, un rempart infaillible, mais j'l'ai senti.

J'ai appris à voir ces choses-là, à force d'inconsciemment étudier mes semblables ; à voir au-d'là des sourires artificiels et des regards pseudo-rassurants.

J'vois les larmes qui ont pu abîmer tes joues de porcelaine, ta silhouette branlante qui s'bat pour pas flancher, tes yeux fatigués de toutes ces nuits sans sommeil.

J'les ai remarqués, tes cernes sous tes paupières et tes doigts qui tremblent.

Ton besoin de tranquillité, de calme, de silence.

J'me demande depuis combien d'temps tu t'trimbales tout ça avec toi, pour pouvoir l'porter avec tant d'aisance, au point qu'on n'le remarque même plus, qu'on s'pose plus d'questions.

J'me demande même si toi, tu t'en rends compte.

J'adorerais te l'dire, te dire à quel point j'te trouve magnifique et fascinant, mais j'veux pas qu'tu t'méfies d'moi.

J'veux pas qu'tu fuis parce que j'aurais voulu aller trop vite.

J'essaye vraiment d'prendre mon temps avec toi, d'pas brusquer les choses ; j'veux pas t'faire peur avec mon impulsivité, et mon côté toujours en train d'rusher.

Rusher mes relations, mon taff, ma vie entière, sans doute.

J'sais pas aller lentement, mais pour toi, j'ai envie d'le faire.

J'me sens con d'ailleurs, parce que, sans mentir, on s'connait pas d'puis si longtemps ; j'comprends pas vraiment pourquoi toi et pas un autre, pourquoi toi, parmi tous ces inconnus qui m'ont d'jà intéressé, pourquoi toi, tu m'laisses dans un état pareil.

J'sais pas, tu m'inspires tellement, j'écris beaucoup en c'moment, beaucoup sur toi, particulièrement.

Et à chaque fois qu'on s'quitte dans c'couloir maudit qui sépare nos deux chambres, à chaque fois qu'tu r'fermes ta porte après un dernier sourire, un dernier bonne nuit, j'sens mon coeur qui s'sert, et j'ai envie d't'écrire, d't'écrire si fort, t'immortaliser sur l'papier, t'chanter, chanter les vers qu'j'ai écris à ton sujet, j'ai envie d'faire de toi une véritable oeuvre d'art.

Peut-être même qu't'en es déjà une, et qu'j'essaye juste d'te rendre justice, à ma façon.

Plusieurs semaines se sont écoulées comme ça, sans qu'rien n'bouge ; bientôt, les partiels sont passées, et d'nouvelles vacances sont arrivées. 

T'es rentré dans ta famille, et moi, comme d'habitude, j'suis resté à la fac. 

J'ai passé Noël en solitaire, comme d'habitude, parce que t'façon, ça fait des années qu'c'est comme ça dans ma famille. 

J'ai pas les moyens d'rejoindre mes parents à l'autre bout du monde, et eux, ils m'portent pas assez d'affection pour rentrer au pays pour voir leur fils pendant les fêtes.

J'm'y suis fait.

C'est sans doute mieux comme ça, t'façon.

Puis, même si j'suis seul dans la résidence étudiante, au moins, ça m'arrive d'croiser d'autres élèves dans la fac, quand j'vais à la BU pour m'occuper un peu, sortir d'ma pauvre chambre et voir d'autres décors.

Y a notamment ce couple de premières années, qui vivent sur leur voilier, et qui m'font penser à toi.

L'âme déchue pleine de poèmes pour combler les vides laissés par une existence trop sévère.

J'écris sur eux pour faire passer l'temps, quand j'écris pas sur ton absence.

J'crois que j'me suis bien trop attaché à toi.

Après un énième Noël en solitaire, j'me préparais pour le nouvel an. 

J'cherchais une fête à squatter, j'négociais avec mes amis pour savoir si y avait pas moyen d'faire un peu d'covoit pour aller chez l'un d'entre eux, vu qu'j'ai pas l'permis et qu'ils vivent trop loin pour y aller à pieds, et t'façon j'ai pas l'argent pour m'payer l'train.

Pourtant, tout juste trois jours après l'réveillon, j'ai entendu du bruit dans l'couloir, du bruit qui s'est arrêté d'vant ma porte.

J'ai entendu des clefs, j'ai entendu un juron, j'ai entendu une porte qui s'ouvre.

C'était pas la mienne de porte, plutôt la tienne.

J'me suis précipité dans l'couloir, et tu t'es r'tourné, manifestement surpris d'me trouver là, en entendant l'bruit d'ma propre porte.

C'est vrai qu'j't'avais pas dit que j'restais là pendant les vacances, quand j'y pense.

Honnêtement, ça m'a surpris aussi, de t'voir rentrer aussi tôt.

Pourtant, c'est déjà c'que t'avais fait la fois d'avant.

T'es pas parti ?

T'es d'jà rentré ?

On rit légèrement, et ton rire, j'aimerais tant t'dire à quel point j'aime l'entendre.

J'finis par t'répondre que j'bouge jamais pendant les vacances, et tu sembles un peu peiné d'savoir qu'j'ai fait Noël tout seul.

J't'assure qu'c'est rien, mais t'as pas l'air de vouloir me croire.

T'es tout seul pour l'nouvel an aussi ?

J'hausse les épaules.

Un silence se fait, et j'te vois réfléchir intensément.

T'as pas l'air trop sûr de toi quand tu m'regardes à nouveau, et j'sens mon cœur qui s'emballe, p't-être parce que j'espère quelque chose venant d'ta part, sans trop savoir quoi.

Du moins, j'savais pas trop quoi, jusqu'à t'entendre le dire.

Ca t'dirait d'le passer avec moi ?

poésie de minuit (la chambre d'en face) [minsung]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant