Le klaxon de la voiture résonna. Ana couru vers la grosse Jeep noire qui l'attendait au milieu de la rue, bloquant deux autres voitures derrière elle. Elle grimpa à l'avant, accrocha sa ceinture, et la voiture redémarra.
-Alors, c'était comment ?
-Bien.
-Rien que ça ?
-Papa, c'est ridicule. Je savais que ça ne pourrait pas être aussi bien que tu le disais. Tu vois, j'avais raison.
-Ecoute, Ana, tu ne peux pas rester toute seule comme ça. Depuis ce qu'il s'est passé, tu ne parles plus à personne. Tu te souviens comme tu avais des amis, le nombre de soirs où tu sortais les voir, le nombre d'heures que tu passais au téléphone, ...
-Je sais, Papa. Je sais.
Ana regarda au loin à travers la fenêtre pleine de poussière. Son père disait vrai. Elle avait changé. Des souvenirs commençaient à refaire surface, des rires résonnaient dans sa tête, ... Elle secoua la tête pour les chasser lorsqu'elle réalisa qu'ils étaient arrivés à destination. Elle sauta de la Jeep. Autour d'elle, des champs, des prairies, des troupeaux de vaches, des poules curieuses qui s'approchaient d'elle, ... Tout le décor de la ferme dans laquelle elle avait grandi.
La grande maison de pierre était une vieille bâtisse que son grand-père avait construite. Son jardin était immense. En réalité, il n'avait même aucune limite. Au loin, elle pouvait admirer l'énorme forêt dans laquelle n'importe qui pourrait se perdre, mais pas elle. Elle qui avait passé son enfance à courir, à se promener bien plus loin que ce qui lui était permit, elle connaissait tous les moindres recoins des environs.
Son père mit la clé dans la serrure de la grande porte, et celle-ci s'ouvrit dans un grincement après quelques tours.
-Ana, je sais que tu ne veux pas en parler mais...
-Je vais chercher les œufs, ce sera omelette à la ciboulette pour ce soir !
Sans attendre une réponse, elle s'encouru dans le jardin. A quelques mètres se trouvait le poulailler. Par habitude, elle tâta sans même regarder à l'intérieur pour trouver les œufs.
-Alors les poulettes, bien pondu aujourd'hui on dirait !
Ana sorti 5 œufs. Elle marcha quelques pas pour rentrer, puis s'arrêta. Le petit banc qui donnait sur l'immense vue lui faisait de l'œil. Elle abandonna les œufs sur la table de jardin en bois qui, année après année, perdait de sa couleur, puis s'installa sur le petit banc à l'arrière de la maison. Son regard se perdit entre les prairies et les forêts. Les meuglements des vaches ne pouvaient plus l'atteindre, elle était seule dans ses pensées. Les souvenirs qu'elle avait chassé en arrivant en voiture revenaient de plus belle, il devenait difficile de les chasser. Une larme coula sur sa joue. Elle leva les yeux au ciel et se mit à rire doucement. Comment était-ce possible de pleurer des événements passés à 20 ans ? « Tu es ridicule. Tu as 20 ans, Ana. Grandis. Papa a raison. Fais des efforts. » Elle avait beau se pousser, se motiver, s'encourager, elle savait qu'elle n'y arriverait pas. Après tout, elle avait vécu des choses qui ne sont pas faciles. Même à 20 ans.
L'omelette était parfaitement réussie. Face à face autour de l'immense table de bois, Ana et son père la dégustaient.
-Tu as toujours été douée pour cuisiner, Ana.
-Merci Papa.
Le silence régnait. D'habitude, ils avaient beaucoup de choses à raconter. Mais aujourd'hui, Ana n'avait pas le cœur à parler et son père ne savait pas quoi dire.
Le téléphone sonna en cassant le silence. Il se leva et décrocha.
-Allô ?
-...
-Oui, demain matin, est-ce possible pour vous ?
-...
-Parfait, à demain alors. Bonne soirée.
Ana ne pouvait pas s'empêcher de demander qui était au bout du fil. Avant même qu'elle puisse ouvrir la bouche, son père la précéda :
-C'était l'agence. Ils viennent demain matin. Un peu de rangement ne fera pas de mal. Il faut qu'on fasse bonne figure.
-Papa... Sommes-nous vraiment obligés de faire ça ?
-Nous n'avons pas le choix, Ana. Je ne veux pas en parler, c'est décidé.
-Comment arrive-tu à passer à autre chose comme ça ?
-Dans la vie, il faut avancer. No matter what. Avancer, ce n'est pas oublier. Tu le sais.
Ana dû retenir ses larmes. Elle ne pouvait plus rester. Depuis l'adolescence, c'était devenu très difficile pour elle de pleurer devant quelqu'un. Elle s'essuya la bouche avec la serviette en tissu et se leva. Avant de laisser le temps à son père de la retenir, elle grimpa les marches quatre à quatre. Le grand escalier eu l'air de grincer bien plus que d'habitude. Elle tourna à droite, alla vers le bout du couloir et ouvrit la porte de sa chambre. Celle-ci était toute petite, avec peu de lumière. Allez savoir pourquoi, c'est cette chambre là qu'Ana avait choisi quand ses parents lui avaient demandé où elle voulait dormir. Son père avait pensé que cette petite pièce pourrait servir de petit grenier, mais Ana avait insisté pour y dormir.
Elle se laissa tomber sur son lit. Elle savait que les choses allaient changer. Son père avait décidé de louer une partie de la maison. Des inconnus partageraient sa cuisine, sa salle de bain, son salon. Ils pourraient être deux, voire trois. A l'idée que d'autres personnes puissent eux aussi courir dans son jardin et profiter de la vue que celui-ci offrait, elle sentit un pincement au cœur. Tout allait changer, elle allait devoir partager...

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Le locataire
RomanceAna, 20 ans, vit avec son père. Après un drame familial, elle se renferme sur elle-même. Son père décide d'accueillir des locataires dans leur grande maison. Ana rencontre malgré elle son locataire, un garçon pas comme les autres. Saura-t-il aider A...