Louisa avait proposé de l'amener en voiture. Ana n'avait même pas attendu que la voiture soit à l'arrêt pour descendre et courir aussi vite qu'elle pouvait vers l'accueil. L'hôpital n'était pas bien grand, pourtant, elle avait vu chaque personne qui se mettait un tant soit peu en travers de son chemin comme un obstacle à franchir. Arrivée devant la dame de l'accueil, elle avait demandé son chemin. Les couloirs lui avaient paru être les plus longs du monde, lorsqu'elle arriva devant une petite chambre. Elle s'était arrêtée juste avant de regarder. Déjà, elle entendait les « bip bip » de la machine, à intervalle régulier. Elle avait soufflé un coup, était rentrée et avait aperçu sa mère couchée sur le lit, les yeux fermés. Elle avait des bleus sur le corps, du sang sur les mains. Son père était arrivé peu après, lui aussi essoufflé de sa course. Ils avaient posé des centaines de questions au médecin, qui n'était sûr de rien, qui ne savait pas, qui laisserait dire le temps. Puis, Ana avait posé une dernière question : « Et où est ma sœur ? ». En voyant le visage fermé du médecin, Ana avait compris. Son père et elle s'étaient étrennées pendant de longues minutes, sans rien dire.
Quelques jours plus tard, l'hôpital avait appelé en demandant à la famille de venir d'urgence. « Marie-Aline n'a plus beaucoup de temps devant elle. Venez vite. » C'étaient les mots que la dame avait utilisés. C'était la dernière fois qu'Ana avait entendu le prénom de sa mère pendant que celle-ci vivait encore. Elle les avait quittés en leur tenant une main à chacun. Une nouvelle fois, Ana et son père s'étaient étrennés.
AUJOURD'HUI
Ana était en pleine rêverie, couchée sur son lit en admirant son plafond gris clair, lorsqu'elle en fut sortie par le claquement de la porte. Son père l'avait prévenue : les visites commençaient aujourd'hui. Un peu curieuse, elle tendit l'oreille pour comprendre qui pouvaient être ces personnes qui, peut-être, dans un futur assez proche, deviendraient ses colocataires.
-Bonjour, Monsieur Delanotte !
-Appelez-moi François, je vous en prie. Suivez-moi, je vais vous faire faire le tour. N'hésitez pas, si vous avez la moindre question !
La voix inconnue était celle d'une femme. Impossible de déterminer son âge. « Ni très jeune, ni très âgée, I guess » pensa Ana.
-Vous aviez parlé d'une jeune fille, dans l'annonce. Il s'agit de votre fille ? Où est-elle ?
-Oui, c'est Ana, ma fille. Elle a 20 ans mais est, disons, ... assez réservée. Mais je vais l'appeler.
Ana n'attendit pas que son père crie son nom du bas des escaliers que, déjà, elle ouvrait la porte et s'engouffrait dans les escaliers.
-Bonjour ! lança-t-elle.
-Bonjour, répondit la dame. Il s'agissait d'une dame qui devait avoir le même âge que son père. Elle était vraiment jolie. Ses cheveux blonds pendaient jusqu'à la moitié de son dos. Elle portait une robe bleu pâle et des escarpins rouge vif. Je m'appelle Laure. Et voici Julien.
Un garçon aux yeux bleus se montra. Le sourire aux lèvres, il s'adressa à Ana, qui était restée sur la dernière marche du grand escalier.
-Julien, enchanté, dit le garçon en lui tendant la main
-Enchantée, répondit Ana.
Elle ne s'attendait pas à ce qu'un jeune homme vienne habiter ici. Elle n'avait pas vraiment le cœur à rencontrer et à se faire des amis. C'est vrai qu'il avait l'air gentil...
Les visites se poursuivirent. Entre le jeune couple marié trop exigent, à la femme un peu trop envahissante, en passant par le vieux couple pour qui il ne fallait absolument aucun bruit dans la maison, le choix ne fut pas difficile.
-Je crois que tu sais qui je vais choisir, n'est-ce-pas ? demanda son père.
Ana fit mine de ne pas comprendre.
-Qui ça ?
-Madame Tournelle et son fils, Julien. Ils sont les mieux adaptés, tu ne crois pas ?
-Si tu le dis.
-Ana, s'il te plaît, feras-tu un effort ? Son fils a ton âge, vous pourriez bien vous entendre. Ne voudrais-tu pas aller de l'avant ? Rappelle-toi de ce qu'est d'avoir des amis.
-Papa, je sais, arrête.
-Non, Ana. Je n'arrêterais pas. Cela fait six mois que ça s'est passé. Six mois que tu t'enfermes dans ta chambre. Tu n'en sors que pour manger. Tu as laissé tomber tes amis, Ana. As-tu oublié Louisa ? Vous étiez si proches, je pensais que rien ne briserait jamais votre amitié. Elle voulait être là pour toi, Ana, mais tu ne l'as plus laissée t'approcher. Tu l'as mis de côté. Elle est venue te voir, elle voulait te changer les idées. Mais tu as été égoïste, Ana. Qui sait si, elle aussi, de son côté, elle avait besoin de toi ? Un deuil est toujours difficile, je le sais. Ça a été aussi très dur pour moi. Moi aussi, j'ai perdu ma femme et ma fille, Ana ! Mais il a fallu que je me relève ! Continuer d'avancer ! C'était il y a six mois ! Je ne veux plus te voir seule et enfermée. Maintenant, Ana, il est temps de te reprendre en main. Redeviens la Ana que je connais. Va voir Louisa. Parle-lui. Même si votre première rencontre après ce qu'il s'est passé n'était apparemment pas fantastique, il faut que tu réessayes. Ana. Je t'aime tu sais.
C'était la première fois que son père lui parlait aussi sincèrement. Elle savait qu'il avait raison. Une larme coula sur sa joue.
-J'essaye, Papa...

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Le locataire
RomanceAna, 20 ans, vit avec son père. Après un drame familial, elle se renferme sur elle-même. Son père décide d'accueillir des locataires dans leur grande maison. Ana rencontre malgré elle son locataire, un garçon pas comme les autres. Saura-t-il aider A...