Jour 3

38 2 15
                                    

L'épuisement m'a happé dans son puit sombre et sans fin.

Lovée tout contre Jonas, tout deux assis sur un des bancs de l'hôpital, je me suis endormie malgré ma position inconfortable. Des larmes séchées bariolent encore mes joues pâles et s'y emmêlent la blondeur de quelques mèches de cheveux. Nos mains sont étroitement liées. Tout près de moi, ma mère, elle, est resté éveillée. Elle semble à bout de nerfs. Fatiguée elle aussi, mais incapable de fermer l'oeil sans nouvelle de son mari. De son confident. De sa moitié. Elle aura passé la nuit à fumer, cigarettes sur cigarettes, mais aussi à téléphoner pour donner le peu de nouvelles que l'on nous faisait parvenir. 

Mon père n'est pas mort. Il est entré dans un profond coma après une violente crise de tétanie pour laquelle les médecins n'ont encore aucune explication. C'est "un cas de médecine très sérieux". C'est ce que nous a dit le médecin urgentiste qui l'a prit en charge à son arrivée. Et depuis, nous n'en savons pas plus. L'impatience nous a mille fois prit de court, et mille fois j'ai vu ma mère frôler l'hystérie face à des infirmiers dépassés. C'est vers minuit qu'ils nous ont invité à rentrer chez nous, mais ni ma mère ni moi ne le voulions. Alors nous sommes restées là, à attendre. Jonas a souhaité rester lui aussi, encore choqué par ce qu'il venait de vivre à mes côtés. Mais aussi pour me soutenir, j'en suis convaincue.

-"Il était temps !"

La voix excédée de ma mère me réveille en sursaut. Je la vois se précipiter vers ce qui semble être un médecin, une grande femme rousse en blouse blanche, qui vient à notre rencontre de sa démarche cadencée, presque militaire. Je m'empresse de me bouger moi aussi pour les rejoindre, bousculant un peu mon Jonas qui se réveille en grognant. 

-"Madame Davis. Mademoiselle. Je suis le docteur Madison Cooper." Elle nous adresse un signe de tête poli en nous serrant la main et poursuit. "Monsieur Davis est dans un état stable, la fièvre à nettement baissée, mais il est toujours dans le coma. Nos recherches n'ont rien mis en évidence qui pourrait expliquer ce qui lui est arrivé. Cependant, son statut de chercheur en virologie et les derniers rapports de quarantaine le concernant nous obligent à le placer à nouveau en quarantaine, par soucis de sécurité sanitaire tant pour le personnel que pour les visiteurs."

Je fronce les sourcils. Ma mère également. Je mesure alors combien nous nous ressemblons en cet instant précis. Je prends alors la parole sans attendre :

-"Qu'est-ce que ça veut dire ?"

Je prends la main de ma mère dans la mienne, la sentant trembler légèrement. Le docteur Cooper reprends la parole : 

-"Cela veut dire, Mademoiselle, que pour le moment, les visites ne lui sont pas autorisées. Vous ne pourrez le voir que par l'intermédiaire d'une vitre puisque nous l'avons placé dans une chambre d'isolement où seul le personnel est autorisé à entrer."

-"Vous vous foutez de qui ? Le dernier rapport de quarantaine est clair, et d'ailleurs, il n'a même pas terminé sa session d'isolement puisqu'ils n'ont rien trouvé qui aurait pu mettre en danger la santé publique ! C'était un bug du système de sécurité, rien de plus !"

Ça, c'est ma mère qui perd patience. Encore. Je serre ses doigts dans les miens, ressentant toute son incompréhension et tout son épuisement. 

-"Je suis désolée madame Davis, mais c'est la procédure."

-"J'en ai rien à foutre de la procédure ! Mon mari a failli mourir, devant les yeux de sa fille ! La moindre des choses serait de nous laisser le voir !"

Mais le visage du docteur Cooper reste imperturbable. 

-"Vous pouvez le voir. Mais de l'extérieur. C'est tout ce que je peux vous proposer pour le moment madame Davis. J'en suis encore une fois navrée."

L'Aube Rouge - Tome 1 - "Survivre"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant