8 ans

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Lise a 8 ans. Ses cheveux atteignent à présent sa taille. Juliette est toujours sa meilleure amie, malgré quelques disputes ici et là. Elle fait toujours du patinage. Sa mère commence une formation de comptable. Ses résultats à l'école sont corrects, et tout va pour le mieux dans sa vie.

– On joue à quoi ? demande Juliette.

– À l'élastique ? propose Lise en lui en tendant un.

– Ah attends, je crois qu'on doit se mettre en rang pour manger...

Effectivement, les élèves de leur classe se rangent devant la porte de la cantine.Les deux amies en font autant, bavardant en attendant leur tour. Un garçon de leur classe, rangé devant elles, les interrompt alors.

– Quoi ? Qu'est-ce que tu veux ? le questionne Juliette.

– C'est vra ique lorsqu'on serre un peu le bras de Lise, elle a tout de suite mal ?

– C'est quoi cette question ? s'étonne l'intéressée.

– C'est une rumeur. Je veux savoir si c'est vrai, c'est tout.

Déterminée, Lise relève le défi et lui tend son bras fin. Le garçon s'en empare et serre. Fort. Très fort. Si fort que Lise crie pour qu'il arrête.

– Mais ça va pas la tête ? s'exclame-t-elle. T'es allé trop fort, c'est pas du jeu !

– Non non, c'était pas fort, proteste-il. Je te jure c'est la vérité. En fait, t'es qu'une mauviette.

Et il se détourne pour en faire part à ses copains. Lise, abasourdie, sent la colère monter en elle. Mais trop tard. En un rien de temps, toute la bande de garçons est informée de ce qu'il vient de se passer.

– En même temps c'est pas très étonnant ! fait remarquer l'un. T'as vu comme elle est maigre !

– Un coup de vent, et hop ! Je paris qu'elle s'envole !

– Il paraît aussi qu'elle est plus légère qu'une plume. On vérifie ?

Lise regarde les garçons s'avancer vers elle avec effroi, impuissante. Ils font tous cinq bons centimètres de plus qu'elle, qui paraît minuscule à côté d'eux. L'un d'eux l'entoure de ses gros bras et la soulève du sol comme si elle ne pesait rien. Lise crie. Elle a toujours détesté qu'on la porte. Que ce soit l'un de ces répugnants garçon de la bande la dégoûte encore plus. Il lui serre trop autour de la hanche, elle a mal. Les larmes aux yeux, elle le supplie :

– Arrête ! Arrête, s'il te plaît... Tu me fais mal !

Le garçon se tourne vers sa bande, le sourire aux lèvres, avant de rire aux éclats avec eux. Enfin, il lâche Lise sans plus de ménagement. Elle manque de tomber en retouchant le sol et n'a qu'une envie,pleureur toutes les larmes de son corps.

– Mais vous êtes trop bêtes et méchants ! s'écrie Juliette, qui avait jusqu'à maintenant regardé la scène avec impuissance.

– Oh, c'est bon, c'est pour rire...

Ils reviennent à leur place pendant que Juliette prend sa meilleure amie dans ses bras pour la réconforter.

– Laisse tomber ces lâches, lui murmure-t-elle à l'oreille. Ils n'en valent pas la peine.

Lise, qui sentait encore les bras du garçon sur elle, accueille ce remontant avec bienvenu. Les larmes aux yeux, elle lui chuchote :

– Merci.

Une fois le choc passé, elles se remettent à parler de tout et de rien en essayant d'ignorer les garçons devant elles qui rient encore. Quelques minutes après, elles entrent dans la cantine d'où s'échappait un parfum assez désagréable. Derrière les deux fillettes, un groupe de filles chuchotent entre elles.

– Quand même, c'est vrai qu'elle est vachement maigre.

Lise fait comme si elle n'avait rien entendu, mais à présent une question lui torture l'esprit. On lui dit souvent qu'elle était très mince, mais tant que ça ? Était-elle si différente des autres ?

MeurtrieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant