11 ans

133 19 3
                                    

Lise a 11 ans. Cette année, elle est entrée au collège. Malheureusement pour elle, tousses anciens camarades de primaire se sont retrouvés dans la même classe, sauf elle, qui s'est retrouvée là où elle ne connaît personne. Elle a bien essayé de parler aux autres, mais ses nouveaux camarades ne présentent aucune affinité avec elle. En début d'année, elle allait tout le temps retrouver Juliette lors des pauses. Mais à cause de leurs emplois du temps différents, et peut-être aussi à cause du manque de volonté de Juliette, elles se sont éloignées. Son ancienne meilleure amie s'est faite de nouvelles connaissances, a commencé à s'habiller différemment avec plus de féminité, a gagné en popularité et à ne presque plus la calculer. Bien obligée, Lise a essayé de s'ajouter dans les groupes d'amis déjà formés depuis la rentrée. Mais elle n'est jamais restée bien longtemps avec quelqu'un, alors elle a préféré être seule que de se forcer à s'entendre avec des personnes qu'elle n'aime pas forcément. Elle et son grand frère, maintenant au lycée,se sont encore plus éloignés. Elle a maintenant un très bon niveau en patinage artistique et ne se voit pas du tout arrêter cette activité devenue sa passion.

Lise s'est installée dans un coin du CDI bondé. Mieux vaut être serrée et au chaud que d'être dehors par ce froid de canard. Elle sort son carnet de dessin et un crayon, devenus ses seuls amis depuis la rentrée.Elle se souvient avoir reçu ce carnet lorsqu'elle avait 6 ans. Elle a un peu dessiné dessus, mais l'a ensuite perdu, arrêtant au passage le dessin. Depuis qu'elle l'a retrouvé, elle noircit les pages blanches, affinant de plus en plus son style. Ce qu'elle préfère dessiner, ce sont des silhouettes sombres et seules dans un paysage magnifique. Ce jour-là, Lise décide de changer un peu.Quelques minutes plus tard, une patineuse prend vie sur le papier.Lise se remémore son spectacle de patinage l'année précédente.Elle se souvient de sa gloire qui lui paraît à présent si étrangère dans cet établissement. Elle lève la tête, regarde parla fenêtre donnant sur la cour de récréation. Cet univers qu'elle a intégré en début d'année l'effraie. Au collège, c'est la course à la popularité, la honte gouverne partout ici.

– Hé, la minus! Casse-toi, on s'installe ici !

Lise tourne la tête pour vérifier que c'est bien à elle qu'on s'adresse. Des cinquièmes- ou quatrièmes peut-être - viennent de poser lourdement leurs sacs de cours dans le coin où elle s'était trouvé une place. Elle fronce les sourcils, mécontente. Elle ne compte pas se faire virer aussi facilement.

– Non, répond-elle sèchement. Trouvez-vous une autre place.

– Non mais comment elle nous parle la lilliputienne ! T'es quoi, en sixième ?T'as le gabarit d'un CP ! Tu t'es trompé là on est dans un collège,pas à la maternelle !

Lise, affectée par ces remarques, serre plus fort son crayon. Elle en a marre. À chaque fois qu'elle rencontre des inconnus, il n'y en a que pour son physique. Encore et toujours, sa maigre silhouette attire tous les regards moqueurs.

– C'est pas parce que je suis en sixième que je suis inférieure à vous ! tente-elle de se défendre.

– Oula, attention, la gamine attaque ! se moque l'un d'eux. Allez, barre-toi.

– Non.

Ils se regardent entre eux, l'air de dire « mais elle se prend pour qui celle-là? ». Alors ils la poussent. D'abord un peu, puis plus violemment, comme Lise se défend. Finalement, elle se retrouve dégagée à coups de bras, de pieds, de coudes. Elle a envie de pleurer, mais se retient. Au collège, on ne pleure pas. Au collège,on se retient. Au collège, tout le monde est à l'affût pour trouver une victime de moquerie. Alors Lise range son carnet et sort du CDI, dans le froid de février, serrant son manteau contre elle,une seule phrase occupant toutes ses pensées : C'était mieux avant.

MeurtrieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant