<ONE SHOT>

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<·×·|❦|·×·>

Les harmonies hurlent dans mes oreilles et la basse se confond avec les battements de mon coeur. Les lumières épileptiques, la fumée dans les yeux, la pièce embrumée par les brumes de l'alcool, les gens qui se déhanchent furieusement au rythme de la musique...
J'ai 17 ans et comme toute ado de mon âge, pour oublier les problèmes, je sors en boîte. D'autres dormiraient pour ne plus rien ressentir, moi je préfère vivre, je sors en boîte. Ana, 17 ans, sort en boîte. Rien de plus ordinaire.

-Anastasie, viens là tout de suite.

Là, j'imagine que vous pensez que c'est ma mère qui vient me chercher parce que j'ai dépassé le couvre-feu d'au moins deux bonnes heures. Mais non, raté, et ce pour deux raisons : ma génitrice doit être très occupée à cette heure tardive de la nuit - ou du matin. Pas besoin de vous faire de dessin, j'imagine que vous savez ce qu'est un pénis et un vagin. Alors à défaut d'elle, c'est ma meilleure amie, Joy-Katlin. Et son ton autoritaire ne peut signifier qu'une chose :

-BG en vue. Celui de notre cours de litté anglaise. Je l'ai répéré dès la rentrée.

Si vous avez besoin d'un radar à mecs mignons, demandez Joy. Vous serez sûrement surpris au premier abord, elle ne passe pas inaperçue, avec ses boucles pétunia, ses yeux jade, son teint mat, son nez grec et son éternel sourire collé comme son gloss sur ses lèvres pulpeuses. Et son cul moulé d'un slim fuschia qui crèverait les yeux d'un aveugle. Enfin, on s'habitue. Regardez-moi, je la supporte depuis le collège. Et puis je l'aime beaucoup, quand même. C'est une des seules rares filles qui parvient à remonter le moral de n'importe qui - y compris moi. Un soleil intégralement vêtu de rose.

-Où ça ?! Je demande, excitée.

-A treize heure, assis seul au bar. Cheveux blonds, peau basanée, style surfeur californien.

-Owi il est canon lui !! Joy, t'es prête ?

Je la vois tirer son top pour rendre son decolleté plus plongeant. De mon côté, je fais voletter mes mèches café latte d'une main experte, vérifie sur mon téléphone que mon maquillage est toujours en place - à priori oui - et je lance :

- On y go.

Comme des fleurs, nous arrivons au côté du beau jeune homme. C'est un mec du lycée, Brendon, carrément canon. J'engage la conversation et minaude, échaudée par les verres que j'ai bu. Joy pianote sur son téléphone, sûrement pour avertir notre troisième acolyte, Lamë, qu'on a perdue au beau milieu du Milleniums Bar. C'est quand même pratique d'avoir un endroit polyvalent en ville. Ce que je fais remarquer à mon interlocuteur.

Kat bombe sa poitrine et j'essaie de l'imiter au mieux. Dans les yeux bleus du garçon, je vois que mon rouge à lèvres commence à se barrer. Traitez moi de beurette si vous voulez. Mais sérieusement, vous croyez que Cendrillon aurait fini avec le prince si marraine la bonne fée n'avait pas changé ses loques en robe de marque ? Hein ? Le monde de l'amour est impitoyable.

-Hey les girls, what's up ?

Pas besoin de me retourner, je reconnais la voix chaude et sexy de Lamë. En réalité, on ne l'a pas perdue : on l'a semée. Elle a beau avoir une préférence pour les filles et ne pas s'en cacher, ça n'empêche pas les mecs de vouloir en faire un coup d'un soir, voire plus. Faut dire, elle est carrément bien foutue dans sa petite jupe plissée et a les formes là où il faut. Ses cheveux, d'un chocolat gourmand, glissent sur ses courbes. Ses yeux, changeants, perlent comme du cristal. En toute hétérosexualité, c'est une bombasse qui ferait les délices d'un poète mélomane. Car Lamë est une crème. La crème de la crème. Elle est drôle, douce, attentionnée, énergique, originale. Sans ses traces sur ses poignets et dans son coeur, elle atteindrait un score parfait. Alors... disons qu'elle paraît parfaite. Quoi, c'est vrai, à côté, je suis fade et sans relief, quand à Joy, elle a l'air d'un éléphant dans un magasin de porcelaine.

-Salut beauté, c'est quoi ton petit nom ?

Évidemment, la belle brune nous a éclipsées du regard de l'objet de nos convoitises. Je lui fais le regard à la chat Potté. Elle me lance un clin d'oeil en retour.

-Moi, c'est je-flashe-sur-ta-soeur-alors-vient-pas-faire-chier.

Brendon rit, certainement déboussolé par l'audace de mon amie. Ça me redonne de l'espoir tout ça. Enfin, surtout l'alcool qui hurle dans mon sang.

Je pose ma main sur sa cuisse en faisant mine d'être aguicheuse. Il doit voir quelque chose dans mes yeux ternes, car il se rapproche de moi, lèvres tendues. Je me rapproche, ferme mes paupières et les goûte.

Le reste, je l'ai oublié. Je me suis juste réveillée chez moi avec une odeur animale dans mon lit et un numéro de téléphone sur la paume de ma main.

Trou noir.


THREE SHOTS -anorexia-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant