Août 1944. Nuit. Pas de lune.
Deux garçons allongés sur le toit plat d'une maison. Ciel étoilé.— Lü, est ce que tu entends ?
— Je t'entends.
— Non, pas moi. Est ce que tu entends le bruit au loin ?
— Est ce que j'entends le bruit des bombes ?
— Oui.
Silence.
— Non. J'entends seulement les étoiles qui scintillent comme un champ de cigales.
— Les cigales que l'on connaît sont différentes, je te parle d'un champs de mines.
— Je te parle d'un champ de fleurs.
— Je te parle de cette nuit.
— Moi aussi.
Silence. Bombardements lointains. Sirènes se perdant dans la nuit.
— Serais-tu devenu insensible aux cris et à la douleur ?
— J'ai cessé d'être compatissant envers les humains. Voir un humain m'effraie. Et si le Dieu qu'ils clament à un visage d'Homme, alors le diable aussi. Rien ne me révulse plus que le genre humain.
— N'y a-t-il donc pas une personne que tu aimes en ce monde ?
Le garçon tourne la tête, attendant une réponse.
— J'aime ma mère. J'aime mon père.
Silence.
— Je t'aime Cassandre.
Cassandre regarde à nouveau les étoiles. Il sourit.
— Que va-t-il se passer après la guerre ?
Lüzi semble réfléchir. Ses cheveux noirs tombent sur ses yeux.
— Est ce qu'elle aura seulement une fin ?...
— Toutes les guerres ont une fin.
— Non.
— Tu sais que j'ai raison, les guerres ne sont pas éternelles.
— Ce n'est pas toi qui a raison c'est la guerre qui a raison de nous. Que crois-tu qu'il va se passer après ? Cette crevasse dans nos cœur est éternelle, jamais le fossé ne se fermera. Je te le jure Cassandre, c'est une tragédie sans fin.
— Et si nous mourrons tous ?
— Que tu es naïf Cassandre, il y a toujours des survivants. L'humain est trop tenace pour être éradiqué par une guerre aussi bête. Les esprits libres nous sauverons. Les vainqueurs rédigerons les livres et chacun saura. Chacun saura que David était mal-aimé, et que si tes cheveux n'avaient pas la couleur du soleil et tes yeux la couleur de la mer, tu ne valais pas le coup d'être admis parmi la race.
Cassandre se met à rire.
— Que veux-tu Lü, nous sommes les enfants de la nuit, peut-être faudrait-il que nous disparaissions avant que le jour se lève ?
— Ne dit pas ça. Regarde cette étoile sur mon cœur, ce sont les mêmes qui brillent dans le ciel. Et tous ces triangles tête baissée que l'on peut croiser, eux aussi mourrons sans distinction... Je te l'ai dit, les esprits libres gagneront et il nous vengeront.
— Peut-être que Dieu nous sauvera avant.
Lüzi étire un sourire.
— Je crois que Dieu se ri de nous, quelle piètre espèce que la notre, les anges et lui doivent avoir ouvert les paris.

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LES ÉPHÉMÈRES
Historia CortaLüzi et Cassandre sur le toit d'une maison. La chaleur d'été d'un mois d'août étouffant. Deux garçons qui observent la vie ; la mort ; et leurs derniers espoirs. Une petite histoire d'amour, une petite leçon d'humanité, un petit bout de ciel au dess...