3. Vivre

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Le souffle court, je continuai ma course sans ralentir. Mes muscles semblaient hurler et mon cœur battait à cent à l'heure.

J'arrivai enfin au parc et cherchai Anna du regard. Elle était assise dans l'herbe et avait les yeux tournés vers les étoiles.

— Ah, tu es là.

Elle tourna sa tête et je vis une traînée de larmes sur ses joues. Je me plaçai à côté d'elle en faisant comme si de rien n'était. Depuis que je la connaissais, je savais une chose : elle aimait expliquer les choses à son rythme.

— Tu devrais parler plus souvent. Tu as une belle voix, avouai-je en souriant.

Je l'entendis soupirer. Ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

— Léo... Ça ne sert à rien.

Je restai perplexe.

— De quoi tu parles ?

— Ça ne sert à rien de me complimenter.

Une goutte d'eau salée scintilla à la lueur de la lune et coula, suivant le chemin créé par ses jumelles.

— Je ne changerai pas, murmura-t-elle.

Les questions augmentèrent mais je les rangeai dans un coin de mon esprit. Justement, je voulais des réponses.

Pendant un long moment, nous restâmes assis, côte à côte, nos yeux bleus posés sur l'immensité du ciel s'étendant au-dessus de nos têtes.

— Tu vas mieux ? demanda-t-elle de sa voix un peu cassée.

Je ne savais pas quoi dire.

— Euh... Oui, on peut dire ça.

— Je voulais m'excuser. À cause de mon comportement, tu as enduré beaucoup plus que tu n'aurais dû.

J'acquiesçai même si je savais qu'elle ne me voyait pas et, malgré moi, je lançai :

— Pourquoi tu t'es comportée comme ça alors ?

Elle esquissa un geste de la main pour chasser ses cheveux cachant ses yeux. Le vent soufflait plus fort.

— Tu ne peux pas t'en empêcher, hein ? Tu n'acceptes pas les choses que tu ne comprends pas, comme tous les humains.

Un rire sans joie s'échappa de ses lèvres.

— Je ne suis pas celle que tu crois.

Je me mis face à elle et haussai un sourcil.

— Tu ne peux pas comprendre, Léo.

— Alors explique-moi.

Un sourire s'afficha sur son visage pâle puis elle se releva et alla s'adosser à un arbre, les yeux dans le vague. Je l'imitai mais me plaçai devant elle pour affronter son regard. Ses pupilles paraissaient plus transparentes que d'habitude.

— Allez, Anna, je suis là pour t'aider.

— Est-ce que tu veux mourir ?

Ce changement brusque de conversation me paralysa pendant quelques secondes. Une partie de moi ne voulait pas répondre et l'autre... L'autre avait confiance en cette fille aussi belle que mystérieuse.

— Oui, parfois. Mais à chaque fois que je te vois, cette pensée s'efface comme si elle n'avait jamais existé.

Mon cœur s'accéléra. J'attendais la réaction d'Anna avec impatience.

— Ce n'est pas grâce à moi.

— Je viens de te dire le contraire.

— C'est ta volonté de vivre qui te permet de survivre. Tu essayes juste de te persuader d'autre chose.

Les mots se bloquèrent dans ma gorge. Avait-elle raison ? Étais-je désespéré au point de ne pas savoir ce que je ressentais ?

— Je ne suis pas comme les autres, vois-tu.

— J'avais remarqué, dis-je ironiquement.

Je vis immédiatement que je l'avais blessée mais elle continua :

— Je ne suis pas vraiment là.

La simple prononciation de cette phrase me cloua sur place.

— J'ai été créée par ton imagination. Je suis là pour que tu ne meures pas, en quelque sorte...

Je clignai plusieurs fois des yeux. Ceux-ci commençaient à être embués de larmes. L'instant d'après, Anna avait disparu.

Les étoiles brillant de plus en plus fort, je pouvais encore entendre la voix de la fille que j'aimais tant dire ces simples mots me donnant le courage d'affronter tous mes problèmes :

— La vie est un cadeau dont il faut profiter jusqu'à ce qu'il soit usé.

Anna était ma sauveuse, Anna était mon ange.

Et même si elle n'était pas réelle, elle m'avait aidé.

Elle m'avait aidé à réaliser une chose.

Je devais vivre.

AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant