Les heures

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Je n'ai rien à dire, rien à faire, je me sens juste seule. Le temps passe, les secondes retentissent mais rien n'avance, et j'attends.

La fatigue me tient, elle habite mes membres et ma tête, elle contrôle mon univers. Et pourtant. Mes yeux ne se ferment pas, mes pensées ne semblent jamais s'interrompre. Flot fou et impétueux d'idées noires qui gagnent ma tête et envahissent la pièce, comme la toile sombre d'un cauchemar. Comme chancelante entre une mélodie nostalgique et le déchaînement de la batterie des questions qui abondent, je vacille, je tremble, je ris et je pleure et je ne dors pas. Et seules passent encore les secondes.

Et tout s'additionne, tout s'ajoute. Les secondes s'entassent, mes idées s'amassent, la journée s'efface. C'est l'heure du châtiment. C'est l'heure pour le contrecoup de mes erreurs, l'heure où je ne réfléchis plus et où seules mes pulsions me guident. C'est l'heure du manège de l'horreur, l'heure de l'émergence de mes peurs. L'heure pour les pleurs et l'heure pour la rancœur.

Cliché peut-être. Cette nuit des mystères, nuit sans étoiles et sans lune, nuit silencieuse et oppressante. Mais pas seulement. Les nuits sont aussi celles nuageuses, celles pluvieuses, les nuits chaudes d'été et les nuits à étoiles filantes. Ce sont autant de nuits où j'attends. Autant de nuits où je pense, où j'observe, où je m'ennuie, où j'écris.

Je suis fatiguée. Je voudrais bien dormir, mais toutes mes erreurs reviennent sonner comme des cloches stridentes dans ma tête, cage de fer, cage retentissantes. Je m'énerve, je m'épuise, je m'agace et je m'enlise, encore, dans cet océan de peur. Qu'est-ce que j'entends par peur ? La peur, c'est cette sensation amère, parfois latente, ou celle qui traverse le corps comme un éclair fulgurant, qui pétrifie ou qui déchaîne, qui libère les larmes tout comme l'euphorie, c'est le déclencheur de ma folie. La peur, c'est cette pile de cartons, tour qui monte vers le ciel et renferme les doutes et les regrets, les remords et l'appréhension. C'est ce sentiment, comme un frisson, qui parcourt le corps et laisse pantelant, essoufflé, chancelant et épuisé.

Alors parfois, je m'assois dos au mur, sur mon lit. Je regarde dans le vide, et je ne vois rien. Il fait noir, mais mes yeux restent écarquillés et je veux parler.

Parfois, j'écris à des gens et je ferais mieux de me taire. Je ferais mieux de rester muette et d'attendre d'être à même de réfléchir. Et pourtant, ces fois, je me laisse emporter et je parle. Un peu comme ces gens qui boivent et rappellent leurs relations gâchées. Un peu comme ces gens déprimés qui lancent un appel à l'aide. Moi, je m'ennuie. Et je libère ces jours, ces longues heures de contrôle et de restriction, je plonge dans une abîme et me condamne. Je me laisse aller.

Et je ne dors toujours pas. Je regrette. Je m'en veux. Je m'énerve.

Je le sais avant, je le fais après.

Je ferme les yeux, mais ça ne m'avance à rien.

Comme tous les soirs, dès que je vais me coucher, je lutte et j'abandonne face à l'ouragan des songes qui me hantent et me tourmentent sans cesse. Voilà. Je recommence à divaguer. Pourquoi ? Parce que c'est l'heure où je ne pense plus. C'est l'heure où je me laisse aller, l'heure où les ennuis commencent seule face à mes pensées. L'heure où j'ai fini de parler, que je prends conscience des bêtises que j'ai proférées et que je voudrais encore tout effacer.

C'est lorsque je prends conscience de toutes mes erreurs, de mes torts et de ce que j'aurais du éviter, que la folie envahit comme un poison mon esprit fatigué. Mes pensées sont alors cauchemars, comme une chanson, à l'image de celle des sirènes, mélodie attrayante, mais toujours effrayante. Une douleur lancinante qui toutes les nuits me reprend quand je regarde dans le noir et écoute dans le silence.

Les heures passent, je n'ai plus rien à dire. Les heures ont passé, je suis toujours fatiguée.

Mais tout va bien. C'est comme une routine. Figée dans l'ombre, je rêve à ce que j'ai dit, à ce que j'ai fait, au mal que j'ai causé. Finalement, j'ai le bon rôle. Ma vie est comme un long sommeil, rêve dont je ne me réveille pas. Ce serait presque drôle. Si je ne revenais pas toute les nuits vivre à m'en écœurer mes torts et mes travers.

Alors bercée par mes idées noires, enveloppée de ma toile de mensonges et nourrie malgré tout de mes espoirs, je m'abandonne au cauchemar. Et les heures passent. Et je ne peux plus revenir.

Il est trop tard.

Et je me laisse aller, encore une fois, à la douce folie qui garde mon corps en vie dans cette réalité. Et je suis désolée du tort que je cause, je crois, mais chaque nuit déjà l'insomnie me punit quand les cauchemars reviennent me hanter.

Et c'est dans la noirceur de mes nuits, dans le froid de ces insomnie, quand je me vois mourir, revivre, pour mourir encore, que je repense à ces mots que j'aurais dû taire et aux mensonges dans lesquels je me suis noyée, à mes torts et aux coups que j'ai mal joués, c'est à ces heures que je planifie ma vie.



Et après je m'étonne qu'elle soit mal fichue... Diantre.

InsomnieWhere stories live. Discover now