Malade : 2

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"Parfois j'aimerais être malade.

Pour avoir une vraie raison.

Une raison de me plaindre, d'être triste, d'être mal. Une raison à mes silences et à mon impuissance.

Une raison qui me permettrait de répondre à ceux qui me le demandent : je suis malade." - Neveland

La sensation arrive lentement.

D'abord, on ne perçoit rien que cette odeur étrangère, souffle divin sur le visage, promesse pâle de l'évasion. Une mélodie

Puis la brume gagne la tête, comme une chambre à gaz, le poison envahit le corps pour apporter le repos.

Puis il ne reste que la désolation, le froid, la peur.

Bip, bip, bip. La machine marque le temps, comme mon cœur, comme l'aiguille des secondes sur ma montre, comme la bombe à retardement dans ma tête.

Je suis seule, allongée sur mon lit, les yeux dans le vague, la tête emplie de cette douleur sourde. Mon visage et ma gorge me brûlent, le hurlement qui emplit mon crâne s'amplifie chaque seconde.

Droguée sans drogue, fatiguée sans effort, perdue sans jamais m'être trouvée.

Ca y est, je suis repartie, je ne sais plus ce que j'écris, je laisse mes pensées s'exprimer.

A mon âge, les gens veulent un copain, de bonnes notes, de l'argent de poche. Je veux être malade. Je veux pouvoir dire "Ce n'est pas de ma faute". Je veux me déresponsabiliser. Je veux mourir lentement et ne pas en être responsable. Je veux quelque chose qui fixe une échéance. Me dire que j'ai quelque chose qui me donne une raison de lutter.

La douleur commence à refluer, la chaleur a quitté ma joue mais ma nuque est toujours raide.

Ca n'aura pas tenu longtemps, aujourd'hui. Je vais bientôt passer le pas.

Bip, bip, bip. La machine continue de battre la mesure.

Je me sens affreusement seule. Un frisson parcourt mon corps alors que je me laisse tomber, la tête dans les mains, sur mon bureau. J'aimerais comprendre. Pourquoi ma vie n'est-elle que fumée et miroirs ? Est-ce qu'il y a vraiment des gens autour de moi que je peux considérer comme mes amis ? Est-ce qu'il y a des gens à qui je peux m'accrocher si je tombe ?

Je me sens partir. Je recommence à délirer, ce que j'écris n'a de nouveau plus de sens. C'est idiot. Pourquoi diable est-ce que je ne peux écrire que lorsque je suis dans cet état d'esprit bien particulier ?

Mon histoire est bien fade. C'est une pièce de théâtre. Des personnages sans saveur, tous masqués, sans identité. Je me demande qui il y a derrière les masques. Je ne vois plus rien. J'écris, et pourtant mes yeux ne se fixent plus. Ma nuque est décidément douloureuse et je m'ennuie.

Je n'écris plus, là. Je divague.

Biip, biip, biiip. La machine s'excite.

J'ai un nom, un âge, des centres d'intérêt. Pourtant, je suis avant tout une page dans un cahier. Un robot qui ne ressent rien. Je voudrais leur cracher ça à la figure. Pourquoi un robot serait-il affecté ? N'hésitez pas ! Insultez-moi, racontez-moi vos misères, vos peurs, vos colères. Plaignez-vous. Je ne ressens plus rien. Je peux encaisser.

Quoi ? Au pire, je vous enverrai quelqu'un d'autre.

Le verre à côté de moi est fini. Le mal à la tête est parti momentanément, et je sais ce qui vient. Je vais m'endormir, je vais partir pour quelques heures, et quand je reviendrai, je serai un peu plus malade, et un peu plus prête à faire semblant.

Je ne peux plus bouger la tête. J'ai la nuque, le dos, la tête, les tempes, et mêmes les bras, qui se raidissent et ont froid.

Bip ? La machine hésite.

Je vais dormir.

Bip, bip. La machine reprend timidement, plus calmement.

Et demain je serai quelqu'un d'autre.

Et le cycle reprendra.

Jusqu'à ce que la maladie m'emporte.

Biiiiiiip. La machine plante, et se tait.

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⏰ Last updated: Feb 18, 2020 ⏰

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InsomnieWhere stories live. Discover now