Enfin, on venait de lui enfiler sa paire de talon. Sans vraiment comprendre ce que le futur adviendra, on la faisait avancer jusque devant l'autel.
Le décor était parfait. Les plafonds d'or, des colonnes de marbres, des fleurs au parfum suave embaumaient la salle, des instruments jouaient encore et encore, des arpèges, des longues notes tenues ; des roses frayaient le chemin qu'elle devait emprunté : tout était artifice, comme pour faire oublier l'instant. On la regardait, elle devait le faire. Mais que faire ?
Alors de sa robe d'ivoire, elle avançait. Et plus elle avançait, et plus son cœur s'alourdissait, et plus ses yeux se remplissaient. À chaque pas qu'elle faisait, chaque son que ses talons produisaient, des chaînes l'attrapaient. Elle qui pensait que cet instant serait l'évasion, elle qui pensait que ce moment serait l'envol : la voilà maintenant prise au piège, comme un oiseau en cage, un prisonnier qui se croit libre. Emprisonnée pour toujours, à jamais prisonnière.
Alors juste avant l'instant, elle ferma les yeux. Toujours enchaînée jusqu'au cou, elle attrapa la main de son bourreau. Mais ce contact sur cette main brûlante, la réveilla, la propulsa, lui fit imaginer les desseins les plus sombres.
Lâchant son bouquet, elle courra, elle hurla, elle pleura. Un dernier soupir et elle poussa les portes de cet enfer qui la condamnera, et enfin, elle ouvrit les yeux. L'air la remplit d'un bonheur, son cœur enchainé s'apaisa, son visage éclata d'un sourire libérateur. Et sans se retourner, elle prit la route qu'elle voulait.