Comme dans les temps anciens où l'on se réunissait au pied d'un vieil arbre majestueux pour écouter une histoire, je vais vous raconter une fable.
Sans port ni attaches, un homme pérégrinait. Ayant perdu son frère tant chéri et son insouciance-
Dès la naissance, il fut ignoré et mésestimé, tel une chose ignominieuse. N' ayant jamais reçu de ses pairs ni baisers ni caresses, n' ayant jamais connu l'amour maternel, il ignorait la mansuétude et la sensibilité d' un mère, la fierté et la patience d' un père.
L' homme, ne connaissait ni leurs noms ni le sien. On l' appela Limbus.
Vivant dans un hospice,différent des autres, écarté des ébats et des inepties ; il errait dans la sombre masure, effleurant de ses doigts pâles, le papier jauni le menant à son repaire fabuleux, au monde des rêves. L'enseignement dispensé n' était pas conséquent, il était même absent. Limbus, petit enfant,s'asseyait, et seule la solitude lui tenait compagnie. A ses yeux mélancoliques apparaissait, un monde dépourvu de couleurs et inlassablement le même.
Il évitait la compagnie des humains et la préférait à celle de la nature et de ses petites bêtes. En conséquence, il possédait un vocabulaire sommaire et parlait le plus souvent par geste et maints grognements.
Les enfants évitaient sa morosité, les adultes s' effrayaient de son mutisme et de sa placidité apparente. Méprisant et cachant son aversion pour la religion, quelle qu'elle soit, il levait les yeux au ciel, lorsque l' on le sermonnait; enfin les rares fois.
Il ne montrait aucun intérêt à tout ce qui l' entourait, prenant soin de dissimuler sa fascination pour l' étendue bleue glacé s' étirant jus qu' à l'horizon.
Un jour qu' il se promenait dans les bois sombres, un vieillard surgit des brumes et prit un air énigmatique. Celui- ci, levant se membres décharnés vers les cieux, proféra ces mots : « Tu te construit tel un arbre, couche par couche. La première couche c' est toi, enfant. Si en devenant adulte tu tues cet enfant, tu crées un vide qui fragilise ton évolution : personne ne peut se construire en s' appuyant sur du vide. Garde cet enfant au cœur de toi, il détient ton rêve, il est ton repère, tes racines et ta sève ».Un rayon illumina le vieillard prophète qui disparu aussi soudainement qu' il était apparut.
Lorsque' il eut 16 ans,il put se libérer, ou plutôt.... on l' invita aimablement par de gestes rudes à sortir. Il s' en fut la tête remplies d' idées confuses. Sur son chemin, il croisa deux enfants dont l' un des deux avait son âge. Le plus âgé, tendait son goûter à sa petite sœur.Le geste, d' une simplicité touchante, semblait naturel. Limbus en avait les larmes aux yeux:jamais il n' aurait de petite sœur avec qui partager:la vie, les cadeaux,les joies et les malheurs.
N' ayant ni titre, ni bourse généreusement pleine,ni parent qui pu l' accueillir sous son toit avec une assiettée de soupe, le jeune homme croyait naïvement que sa situation pour la moins embarrassante seraient résolue d' ici peu de temps. Limbus passa sa journée à marcher,trottiner d' une rue à l' autre, sous un jour froid, pluvieux et boueux. Lorsqu'il frappait à chaque porte, l' œil éclairé d' une étincelle d'espoir, le battant révélait tantôt des visages goguenards et rougeauds , tantôt méprisants ou faussement compatissants. Il s'en allait les épaules voûtées tel un vieillard avant l' heure, d'une démarche lasse et titubante. Le cœur lourd.
Par un heureux ou malheureux hasard, je ne le sais, son chemin le mena au port de la misérable ville. Il déambulait, les yeux arrondis de stupeur. Il s' embarqua comme mousse,caron ne lui demanda ni qui il était ni d'où il venait, et un navire lui parut l'endroit adapté à un enfant comme lui, sans racines ni ramures. Il vit d'innombrables peuplades, de richesses, de misères, de tempêtes, de déshonneurs, de malheurs,de bonheurs mais a aussi côtoyé la vie, la mort, la souffrance et l' espoir. Des paysages déserts, des villages brûlés par des barbares, des côtes aux récifs coupants, jus-qu' au profondeurs abyssales tantôt lisses tantôt déchaînées de l' océan ; il a tout vu, tout connu, tout humé. Plus rien n' est pour lui un secret ,sauf une chose qui restait inatteignable, et qu' il cherchait toujours. Espérant trouver l' apaisement dans les tréfonds de son âme, tout au fond de lui, il avait entrepris de s' embarquer, mais cela n' était qu' un leurre. Et la désillusion fut amère pour l'homme. Ses compagnons de fortune le quittaient un à un, afin de fonder une famille, s' entourant d' une jolie femme et d' une ribambelle de galopins.Ayant passé 40 années sur les flots, tel un vieux loup de écumant les mers, il décida un jour de mettre pied à terre.
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L' Homme qui n' avait pas de racines (Discours)
Historia CortaDiscours prononcé au concours national d' éloquence de la DRAC. Le sujet est "Comme un arbre, les hommes ont besoin de racines"/ Quel est la place de l' identité dans la construction personnelle? Je ne l' ai pas gagné mais plusieurs personnes m'...