Chapitre 11 - L'audience

2.9K 191 9
                                    

C'est fou ce que deux heures peuvent sembler longues et courtes en même temps. 

Lorsque Michael ouvrit la porte, Cheveux-Gras et Eric se tenaient dans le couloir, tous les deux habillés chiquement. Eric me jeta un regard, et perçut mon désarrois. Après tout, j'avais toute les raisons du monde de ne pas être dans mon assiette. Cheveux-Gras tenait dans ses bras un paquet qu'il tendit à mon compagnon de chambre.

- Laissez-nous deux minutes pour nous changer, fit Michael, rompant ainsi le silence qui s'était installé.

Il referma la porte et me regarda. Puis, il me tendit le paquet et se tourna vers la fenêtre. Je dépliai le tissu pour découvrir une robe assez simple, noire, peu moulante. Je me dévêtis et enfilai la tenue. Puis, j'arrangeai un peu mes cheveux. Le tout ne me ressemblait pas trop, mais après tout, qu'est-ce que j'en avais à faire? Je remarquai que Michael avait aussi changé d'habits dans la foulée. Je n'avais même pas remarqué qu'il avait bougé. Je soupirai. C'était dans les prochaines minutes que mon avenir allait se décider. Peut-être que si j'avais eu plus de raisons de tenir à ma vie, je me serais battue, j'aurais pleuré, j'aurais supplié. Mais je ne pouvais que suivre le mouvement, accepter la réalité et me taire. Parce que je n'avais aucune chance contre eux. S'ils étaient véritablement des vampires, alors je n'étais pour eux qu'un potentiel souper. Pourquoi leur donner l'occasion de me tuer par "accident", alors que je tentais de m'enfuire? Stupide. 

Je n'étais pas lâche.

Je ne voulais pas mourir.

Juste, je me foutais si ça arrivait, parce qu'il n'y aurait personne derrière moi pour pleurer et personne qui penserait à moi quand elle verrait une actrice du nom de Rose. Je n'étais rien, pour personne. Je n'avais ni famille, ni amis, ni connaissances. La seule personne qui serait perdante dans l'histoire serait celle à qui je payais le loyer chaque mois. 

Il paraît que lors d'un dueil, on passe par cinq états: le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation. Eh bien pour moi, il n'y aurait personne qui serait choqué par l'annonce de ma mort, personne qui se sentirait coupable de ne pas avoir été là plus souvent, personne qui tenterait de me supplier de revenir, personne qui ne serait triste ou se remettrait en question, et personne qui se remettrait lentement de ma mort. Je n'étais rien, pour personne. 

Ce constat me donna envie de me réfugier dans un coin pour pleurer. Me rouler en boule. C'était un peu comme si je faisais moi-même le dueil de ma propre mort. Je me sentais vide, et pourtant j'étais encore pleine de tout ce que j'avais toujours été. 

Michael s'approcha de moi et relia à nouveau mes mains avec la corde qui m'accompagnait depuis un bon moment maintenant. Je soupirai. Puis, il ouvrit la porte et nous sortîmes, alors que, droite, je tentais de me rassurer et de paraître... fière? Oui, fière. Parce que je n'allais pas commencer à pleurnicher sur mon sort, et pourtant Dieu sait que j'en avais envie. 

Etonnamment, j'étais plus choquée par le fait qu'ils n'hésiteraient pas à me tuer et que j'avais plus de chances de mourir ce soir que de vivres, que par le fait qu'ils étaient des vampires. Bien sûr, ça remettait en question toutes mes perceptions rationnalisées et cannalisées sur le monde, la science, l'évolution de l'Humanité, mais après tout, tout cela concernait le monde, et j'étais à deux doigts de le quitter.

Je n'avais jamais été extrêmement positive. Peut-être que ça aurait pu m'aider, au final. 

Mais une fois que la sentance serait tombée, la chute n'en aurait été que plus dure.

Michael me poussa dans les tiroirs alors que Cheveux-Gras ouvrait la marche. Nous arrivâmes, à force de détours et d'escaliers, à une magnifique salle entièrement décorée de tissus rouges pendus au plafond de manières assez aléatoires. Cette décoration inhabituelle créait une atmosphère... mystérieuse. Au fond de la pièce, qui devait bien faire une vingtaine de mètres de large et trente de long, se tenait une sorte d'estrade. Et sur l'estrade, un fauteuil richement décoré sur lequel était assis un homme. Il avait une machoire carrée, des cheveux châtains rasés de près, et un corps d'athlète. Derrière lui, une femme très jolie, blonde, une trentaine d'année, se tenait debout, les mains sur le haut du fauteuil. Et, un peu en retrait, différentes jeunes filles, plus belles les unes que les autres. J'avais vraiment l'impression de faire tâche. 

Lost VampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant