Les élus du Zodiaque

I

Une famille c'est des gens qui vivent ensemble sans rien avoir à se dire et qui s'aiment sans raison.

J'ouvre vivement les yeux et les détournent aussitôt vers la masse informe tassée à mes côtés. Je peux enfin respirer, le rêve qui revient depuis plusieurs nuits déjà n'est qu'un stupide cauchemar. Mon petit frère est toujours blotti à mes côtés. Je ne veux même pas prendre le risque de me rendormir. Nous partons une énième fois demain vers une nouvelle famille, peut-être trouverons-nous enfin un lieu que nous puissions appeler « chez nous ». Depuis la mort de nos parents à mes 5 ans, parents que nous n'avons donc jamais connu, nous sommes ballotés de famille en famille, jamais l'un sans l'autre. Mais nous ne restions jamais longtemps.

C'est sûr que moi et mon caractère n'y étions pas pour rien. Ne vous méprenez pas, je n'ai pas un mauvais caractère, je suis juste butée, râleuse, têtue, maladroite et j'ai un léger problème avec l'autorité. Ça ne fait pas rêver comme portait, hein ? Et bien les familles ne prenaient même pas le temps d'apprendre à connaître l'adorable enfant de 10 ans qu'était mon frère pour nous jeter. Toutes les familles finissaient par ne vouloir que mon frère, qui par je ne sais quel miracle, ne souhaitait pas me lâcher.

Nous croupissions désormais dans un foyer en attendant désespérément que mes 18 ans arrivent et avec eux notre liberté durement acquise. Mon frère, ce démon caché dans l'enveloppe charnelle d'un angelot n'est autre que le pire gosse du monde. Il fait peut-être illusion pour le reste de la population mais moi je vois bien que, Satan, comme j'aime l'appeler n'est qu'un adolescent de 13 ans en pleine crise d'identité. Ses « Tu te souviens de nos parents ? » « Pourquoi personne ne veut de nous ? » incessants me donnent envie de lui faire bouffer ses dents. Mais bien entendu ma légendaire, hum hum, patience se chargeait de lui donner mes réponses, à base de «  Mais j'en ai strictement aucune idée Aaron, tu me fais chier avec tes questions ! ». Je sais, classe venant de la grande sœur.

20 mars 2018, mes 18 ans, enfin, cette liberté que nous avons mit si longtemps à rechercher est enfin à notre portée. Je vais pouvoir devenir sa tutrice légale et ainsi nous sortir de ce foyer de malheur. Je m'accorde enfin le bonheur de sortir sans la permission de la grosse dinde qui sert de directrice de foyer et qui prend un malin plaisir à nous refuser toutes sorties.

Je farfouille pendant une bonne heure dans le premier centre commerciale qui se montre à moi. Je pousse finalement la porte d'une bijouterie et commence à regarder les nombreuses breloques présentes autour de moi.

      - Bonjour mademoiselle, cherche-vous quelque chose en particulier ?

-       Je ne fais que regarder merci.

-       Mais quel magnifique bracelet vous portez la ! D'où vous vient-il ?

-       De mes parents.

-       Serait-il possible de vous l'acheter ?

-       Il a une trop grande valeur sentimentale désolé.

-       Le double de sa valeur ?

-       Ce n'est pas une question de prix désolé.

-       Le triple ?

-       C'est non je vous ai dit. Au revoir.

-       Le quintuple ?

Une malade cette femme ! Je m'enfuis en courant de sa satanée bijouterie et observe l'objet de tant de désirs. Un simple bracelet en argent m'enserre le poignet, ses 13 breloques représentant les 12 signes du zodiaque et un serpent pendent le long de mon bras. Je ne lui aurais jamais cédé ce bracelet si cher à mon cœur. Je rentre le plus vite possible au foyer, manquerais plus que je me fasse séquestrer par une folle-dingue le jour de mes 18 ans. Je préfère de loin passer ma journée si spéciale avec mon petit démon préféré. Je marche donc lentement, laissant glisser mon regard sur les arbres en fleurs semblant être parfaitement accordés à mon humeur.

A peine arrivé dans la rue du gigantesque bâtiment qu'est le foyer des Roses que je remarque les colonnes de fumée sortant de ce lieu si représentatif de ma jeunesse. Je m'avance, dépassant les barrières installées par les pompiers et regarde chaque visage sortit des flammes. J'observe chaque personne, reconnaissant diverses têtes familières, me tords le cou à chercher sa frimousse, en désespoir de cause. Les pompiers sortent finalement des flammes annonçant que tout le monde avait été évacué. Je me précipite vers eux et leur hurle que mon frère s'y trouve encore, mais ces clowns en costume rouge continuent de m'affirmer que plus personne ne s'y trouve. Je prends donc mon courage à deux mains et plonge dans le bâtiment en flamme, je progresse dans les escaliers en criant désespérément le prénom d'Aaron.

Mes yeux pleurent et le maigre tissu posé sur ma bouche et mon nez n'empêche pas la fumée de s'infiltrer dans mes poumons. J'atteints finalement notre chambre et me précipité à l'intérieur, pas de trace d'Aaron, il y a uniquement un symbole de serpent bombé sur le mur. Je sens mes jambes faiblir et céder sous moi. Je m'écroule par terre et tousse comme une forcenée, je continue d'appeler sans arrêt Aaron. Ce petit démon me mènera décidément la vie dure jusqu'à la fin ! La fumée s'engouffre sans fin dans ma trachée, brûlant tout sur son passage. Je finis par perdre connaissance au milieu de cet enfer de flamme.

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