Pour un nouveau monde

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Le miroir reflétait le corps d'un jeune homme. Un simple adulte tout juste sortit de l'adolescence.

Il avait des yeux verts d'eau. Profonds, ils étincelaient comme le faisait la mer peu profonde sous le chaud soleil d'un jour d'été. Il possédait une tignasse brune ébouriffée, chaque mèche de cheveux semblaient dotée d'une volonté propre. Cet amas capillaire encadrait un visage légèrement doré, aux traits doux et avenants. Ses lèvres, fines, étaient pâles et bien dessinées, elles surplombaient un menton où poussait une légère barbe, coupée ras. Son cou fin se perdait dans l'ample vêtement sombre et impersonnel.

Celui-ci était semblable à une cape, aucune forme du corps fin du garçon n'était visible. Le vêtement descendait jusqu'au creux de ses genoux et se fendait en deux parties à partir de ses hanches. Si vous lui aviez demandé pourquoi, il vous aurait répondu à l'aide d'un seul et simple mot : "Pratique". Sous sa tunique, un bas moulant et sombre dessinait sa légère musculature. Ses chaussures étaient épaisses et empêchaient tout glissement, même par jour de pluie.

Un unique détail venait briser cette harmonie, tant et si bien que dans le cas où quelqu'un l'aurait vu devant ce miroir à ce moment là, il l'aurait, sans la moidre hésitation, dénoncé aux autorités, et ce à cause de cet unique détail.

Le masque qu'il tenait dans sa main, prêt à être utilisé, à être posé sur son visage afin de n'en laisser apparent que les yeux.

Il représentait un loup. Le visage d'un loup scindé en deux parties distinctes par un contraste de couleur. Du bleu nuit et du brun terne rivalisaient. Sur la face droite, la bleuté, des arabesques argentées ressortaient, elles descendaient le long de la mâchoire de l'animal et finissaient dans la représentation de son encolure. De l'autre côté, un cercle sombre entourait l'orbite du masque. C'était un ouvrage d'une grande beauté et à forte symbolique. Mais il était surtout recherché. Par toutes les autorités, par tous les pro-gouvernementaux.

Car il était le symbole de la rebellion.

Et son porteur l'était tout autant.

Sa tête était mise à prix à une somme astronomique, tout le monde se précipiterait sur ce montant si les intentions du Loup, tel que le jeune homme était très simplement appelé, n'étaient aussi louables.

Le Loup se battait contre une société corrompue qui était la sienne.

Une société pourrie jusqu'à la moelle, capitaliste et discrimitoire. Chacun était à sa place : pauvres, bourgeois, nobles... personne n'était mélangé.

Cette société était monomane et inégale.

Les regroupements rebelles étaient nombreux mais les plus influents restaient les séditieux solitaires et le groupe des Insectes qui avait réussi en plusieures années à développer des moyens, amasser assez d'argent et suffisament de recrues pour devenir aussi importants que les Solitaires. Ces derniers misaient tout sur leur force personnelle et leur discrétion. Ils préféraient organiser de petits soulèvements continus plutôt que de grosses actions inusitée. Contrairement à eux, les Insectes aimaient faire parler d'eux en de rares occcasions, mais ils voulaient que cela n'échappe à personne.

Personne ne savait exactement combien d'organismes de rébellion existaient. On estimait le nombre de solitaires aux alentours de cinq dans la ville. On recensait une dizaine de groupe d'insoumis, ce chiffre n'était pas exact, pour tout dire il était même en baisse. Mais ce n'était pas de bonne augure pour le gouvernement, loin de là. Les petits groupes commençaient à se rallier aux Insectes. Officiellement ou officieusement... Mais ils se regroupaient.

Le jeune garçon devant son miroir était un Solitaire. Il était le Loup. Pourtant il ne semblait âgé que d'une vingtaine d'année ! Les enfants de son âge devraient étudier... Afin de sortir de leur banlieue délaissée et de grimper les échellons de la hiérarchie. Mais justement, il ne pouvait pas se le permettre.

Pas lorsque ses seules ressources lui venaient de l'héritage que ses parents lui avaient laissé. Pas lorsque son meilleur ami luttait pour survivre depuis son fauteuil roulant rouillé. Fauteuil roulant de troisième ou quatrième main par ailleurs, mais ce n'était qu'un détail. Pas lorsque son chez-lui ne contenait que des meubles retapés à la va-vite, sortis tout droit d'un débarras. D'une de ces piles de vieilleries semblables à des déchetteries, comme il y en avait partout à Maria. Et surtout, pas tant que son sang serait considéré comme impur. Pas tant que les enfants nés comme lui, sans propreté ou richesse de sang comme ils le disaient, pas tant que ces enfants seraient ainsi traités.

Son père, Grisha Jaëger, avait épousé une fille du peuple. Un illustre médecin tel que lui aurait pu dénicher sans problème une jolie jeune fille, pas trop stupide, riche et influente. Mais il avait traîné dans les rues banlieusardes. Et il avait rencontré Carla. La douce et gentille Carla. Ils avaient vécu des jours heureux. Dans un simple appartement éloigné des concentrations de populations. On n'autorisait pas les maisons individuelles aux habitants de Maria. Mais elle s'était éteinte cette lueur, celle qui éclairait les vies de son mari et de son jeune fils. Elle était partie, installant dans le coeur de ceux qui la chérissait une douleur sourde, une lente agonie. Elle avait été enterrée dans le petit cimetière puant, où tous les chiens errants venaient pisser, peu avant le neuvième anniversaire de son fils : Eren. Un enfant dont la joie de vivre s'était envolée, arrachée par la pourriture de ce monde.

Tandis que Grisha essayait comme il le pouvait d'élever son fils seul, lui, il découvrait toutes les faces cachées de ce système politique immoral. Ce père était peu présent. Il se démenait dans son travail, aussi bien pour oublier la mort de sa douce pour laquelle il avait brisé tous les codes, que pour assurer à son fils une belle vie et un beau futur, après qu'il ait pu étudier de longues années et l'ai rejoint dans le haut niveau de la population. Il avait redoublé d'efforts auprès des quartiers défavorisés. Comme quand il avait rencontré Carla. Il venait en aide au plus faible sans se préoccuper de la réputation de renégat qui le poursuivait. Mais il avait échoué, ce père. Et, à son tour, il avait été fauché par la mort. Trop tôt. "Surmenage" avait déclaré d'une voix sans timbre le spécialiste au petit Eren alors âgé d'une quinzaine d'années.

Les recherches du grand Grisha Jaëger, recherches qui occupaient tout le temps qu'il ne passait ni auprès de malades ni auprès de son fils, avaient disparu avec lui. Les puissants avaient bien essayé de soutirer les informations à l'adolescent traumatisé de cette perte trop récente, mais ils avaient dû se rendre à l'évidence : le garçon ne savait rien.

Grisha Jaëger n'avait laissé derrière lui qu'un mot : "traître". Et un fils. Un fils effondré, lassé par la vie.

L'origine de sa mère avait ruiné les maigres chances qu'Eren intègre un jour le district Rose, où vivaient les gens riches et sans problème. Peu importe ce que lui avait donné son père, même si Grisha n'avait pas été doté de l'étiquette du "traître" à sa mort, Eren n'aurait pu racheter les erreurs sentimentales de son père. Non pas qu'il n'aimait pas sa mère, loin de là, il voyait juste les choses telles qu'elles étaient.

Dans ce pays, la solidarité était une notion inconnue. Dans les milieux défavorisés, chacun luttait pour sa survie et celles des siens au dépit de celle des autres. Dans les milieux plus aisés, la compétition entre chaque puissant faisait la loi. Qui de vous ou moi sera le plus fort ? Cette question rythmait leur train de vie.

Eren voulait changer ça.

Le Loup le voulait encore plus.

Et c'est pour cette seule raison, aussi évidente que complexe, qu'une fois de plus, Eren changea ses belles prunelles vertes contre une couleur améthyste. De simples et stupides lentilles. C'est tout ce qui suffisait à le faire rentrer dans l'anonymat. C'est pour cette raison, que de nouveau, en cette nuit étoilée, il plaça ce masque sur son visage, le loup s'emboitait parfaitement aux traits de l'homme.

Encore une fois, le Loup s'enfuit de son appartement minable pour rejoindre les toits de la ville. Dans l'espoir de trouver une nouvelle proie bien trop gâtée par la vie. Dans l'espoir d'arriver une fois de plus à faire un pas en avant vers son ultime objectif.

Un monde meilleur.

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Et voilà ! Bienvenu dans cette nouvelle histoire, une fanfic Ereri ! Petit cadeau pour fêter mon anniversaire aujourd'hui !
Une publication tous les dimanches des semaines impaires à 17h je pense, si je ne prends pas de retard.

J'espère que ça va vous plaire !

TamaskanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant