#5 - L'ÉTENDOIR

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Dernier étage d'un imposant immeuble ancien d'inspiration art déco.

C'est chez elle qu'elle m'a donné rendez-vous, n'importe quand dans l'après-midi, m'avait-elle dit. J'annonce ma présence en sonnant à la porte principale, prend l'ascenseur et arrive nez à nez face à une porte d'entrée déjà ouverte. Rapide coup d'œil sur le nom affiché près de la sonnette, c'est bien ici. Ne voyant personne, je lance un « bonjour » hésitant dans l'entre bâillement de la porte. Elle arrive en courant, un téléphone à l'oreille. « Entrez, entrez, j'ai besoin d'un instant et j'arrive, vous pouvez m'attendre ici », m'indique-t-elle.

« Ici », c'est le salon : un énorme et duveteux tapis couvre le sol et deux canapés en suédine forment un angle droit. Pas de télé, mais une cheminée à l'intérieure de laquelle un feu doux s'agite. Je m'assois alors sur le divan lui faisant face, et c'est là qu'il me saute aux yeux. Happé par l'atmosphère cosy du lieu, je ne l'avais pas tout de suite remarqué. A ma droite, installé près de la grande fenêtre donnant sur le balcon, l'étendoir à linge me fait de l'œil. Il me parait beaucoup plus grand que la moyenne et aucun centimètre n'en est gaspillé. Suite effrénée de tissus qui font la queue sur les fines branches du plastique blanc, attendant patiemment leur tour pour être séché. Affinant mon regard, je m'attarde alors sur les étoffes étendues : soutien-gorge, string, culotte, chaussettes, culotte, culotte, tanga, body, culotte, socquettes, collants, bas, bas...Porte-jarretelles. J'y reconnait de la dentelle, un peu de tulle, du coton et du satin. C'est comme si j'avais là, ouvert devant moi, son tiroir à sous-vêtements. Mes yeux impolis ne se détournent pas à la vue de cet impudique déploiement de tissus intimes. J'ai même envie de les toucher. Sont-ils complètement mouillés, juste humides, ou parfaitement près à être rangés ?

Pas le temps, une porte s'ouvre derrière moi. « Vraiment désolée, j'avais un appel important à ne pas manquer ! » Sortant brutalement de ma rêverie voyeuse, je me lève. De sa main droite, elle me tend ce que j'étais venu chercher. Un sachet contenant un blazer noir cintré. Elle m'invite à l'essayer, je dispose. Il est parfaitement à ma taille. Sourires. Je la paie, la remercie poliment et me dérobe dans l'ascenseur, avec l'excitation enfantine de m'en retourner avec un petit quelque chose de la garde-robe de cette audacieuse femme qui étend sa lingerie sous les yeux indiscrets des étrangères de passage, presque déçue que le vêtement, encore neuf et étiqueté, n'ait pu lui aussi un jour, trouver sa place sur l'étendoir.

Inspiré d'une confession de Lucca.

L'érotisme de l'instantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant