#7 - LE PASSAGE

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Au fond de la salle de classe, cours de pharmaco cinétique et pharmaco dynamique.

L'auditoire est plutôt bruyant aujourd'hui. Le professeur, tentant de se faire entendre, appelle au silence. C'est le jour dédié aux exposés de nos travaux de groupes et nous devrons tous y passer. Pas plus de 20 minutes chacun, nos notes à la main. « On va commencer par le groupe A » dit le professeur. Soulagé, je me dis que s'il décide de suivre l'ordre alphabétique, nous serons les derniers à être appelés. C'est alors que, consciemment, je laisse mes paupières tomber sur mes yeux encore fatigués de la courte nuit qu'ils ont passé à peaufiner ma prise de parole. Je déconnecte, la voix qui entame la présentation de son sujet ne fait alors que flotter sur les vagues de mes songes, elles l'emportent avec elles, l'engloutissent toute entière, dans un mélange étrange de rêve-réalité. Je ne sais pas combien de temps je suis resté dans cet état de semi-conscience, jusqu'à ce que je me fasse réveiller, presque en sursaut. C'est une voix douce à l'émotion piquante qui est venu me sortir de ma torpeur.

Lever de rideau.

Et mes yeux de s'ouvrir sur une jeune femme balbutiante dont les mains tremblent et le regard est fuyant. Son malaise emplit la pièce. Désireux de percer le secret de sa fragilité, mon regard, comme hypnotisé, ne la quitte plus. Il y a quelque chose de gracieux dans sa posture mal assurée et de fascinant dans ses yeux agités qui semblent chercher l'air que sa respiration inefficace ne lui procure plus assez. J'aimerais la sonder, de la tête aux pieds, prendre sa température, plonger dans sa détresse pour essayer de l'en sortir. A défaut de pouvoir la secourir, je soutien le regard comme pour lui dire de tenir bon.

Emotivité qui submerge tel un tsunami. Elle me donne des frissons.

Au-delà de son trouble évident, ce que je perçois en plongeant dans ses yeux bleus, c'est une sensibilité exacerbée, presque inappropriée au monde qui l'entoure.

Surexposition.

Constante saturation dans un environnement où l'image est reine et où les yeux des spectateurs sont toujours plus aiguisés. Je crois qu'elle est trop lucide, trop consciente de ce qui se joue dans un regard pour oublier la brutalité qui la sous-tend, mais aussi trop authentique pour faire semblant. Mise à nue, elle est si belle dans sa perte de contrôle, son vertige. Comme si le sol se dérobait sous ses pieds, la demoiselle se hâte de finir son discours, et lorsque finalement, elle se rassoit, j'aimerais accourir pour la prendre dans mes bras et embrasser la vulnérabilité qu'elle nous a fait le cadeau de dévoiler.


Inspiré d'une confession anonyme.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 11, 2018 ⏰

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