Qu'est-ce qu'on fait là ?

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Elle est vraiment adorable en fait. Elle s'est endormie dans mes bras. Je l'ai posée dans le hamac et la elle sommeille tranquillement. 

Oui parce qu'il y a un hamac aussi. Je ne l'avais pas vu quand je suis arrivée, mais quand j'en ai eu besoin il était là. C'est marrant l'intérieur de ma tête.

Je regarde mon mini-moi dormir. Elle est tellement paisible c'est adorable. Elle a de la chance d'être encore capable de s'endormir comme ça, en un claquement de doigts. Je l'envie ... ça fait bien longtemps que je ne suis plus capable de faire ça.

Maintenant j'ai peur quand je vais me coucher, parce que je pense trop. Et trop penser veut dire penser à des choses que j'essaye désespérément de faire sortir de ma tête et de mon cœur. 

Il y a quelques années ce qui me hantais le soir c'était le divorce de mes parents. Parce que je revoyais mes parents se battre. Je les entendais crier. J'entendais ma mère pleurer. Encore. Et encore. Et encore. Je repense au jour où ma mère est venue nous chercher, moi et mes frères, à l'école. A ce jour ou on est partis. A l'enfer qu'on a vécu après. Les galères pour trouver un endroit où dormir. Les mois à dormir dans des hôtels, ou avec d'autres familles. Je repense parfois au soir où faute d'avoir un toit on avait dormi dans la voiture. Un an à survivre comme ça.

Puis après j'ai eu peur du collège. J'étais toute seule en permanence. Pas de meilleure amie, pas de petit ami non plus. Cachée dans mes livres. A la maison ma mère était fatiguée  à cause de sa maladie, et parce qu'elle aussi était toute seule.  C'est ce qui arrive quand on est différent, on est seul. Le collège c'était toujours être en dehors des conversations, toujours manger toute seule. J'étais de ceux qu'on pointe du doigts dans les couloirs. De ceux qui se font insulter. Pendant un an j'ai réussi à me faire quelques amies. Puis j'ai changé de classe. Et je me suis retrouvée avec des plus grands que moi. J'étais encore plus loin d'eux. J'étais à des années lumières, des galaxies même d'eux. Et l'année s'est finie, j'ai pris le bus une dernière fois et j'ai laissé le collège derrière moi.

Puis j'ai commencé à me sentir un peu mieux au lycée. Nouveaux amis. Nouvelle école. Et personne ne se connaissait. J'ai repris l'escalade. J'ai commencé la musique. J'ai fait du théâtre. J'ai commencé à aimer le metal. J'ai rencontré plein de gens, et ils sont un peu ma famille maintenant. J'ai commencé à passer du temps sur Internet aussi. Et à me faire encore d'autres amis. Et je l'ai rencontré, lui. Il était comme moi. Un petit un peu bizarre, un peu dans son monde. On a discuté de plus en plus. Je faisais partie de son univers. Il faisait partie du mien. On a traversé tout le pays plusieurs fois pour se voir. C'est beau d'être amoureux. Mais ça fait mal. Ça a duré un an, puis je me suis éloignée. Les papillons se sont envolés, j'avais mieux sous le nez. Un autre Lui. Plus grand, plus beau, plus fort. Mais plus têtu et plus cartésien. Lui je le voyais tous les jours au lycée. Les papillons étaient revenus. C'étaient des cinémas, de la musique et nos voix, des longues promenades le matin, et plein de premières fois. C'était tellement bien. Mais il s'est éloigné un peu. Trop. Sans faire attention aux papillons, il les a laissés s'envoler. Puis il m'a laissée seule, il a couru après.

Et ça m'a fait mal. J'étais bien. Je suis seule.

Maintenant le soir quand je ferme les yeux, j'ai à nouveau peur. Peur de la solitude. Peur du sifflement dans ma tête. Peur de ne pas retrouver mon sourire. Peur d'avoir mal. Peur du noir et des monstres sous mon lit.

Et mon coeur s'emballe quand je suis seule dans mon lit. Et il s'emballe encore plus quand passe minuit.

Et j'ai un trou dans la poitrine, qui me lance quand j'y pense. Il me dit arrête, tu te fais mal. Si tu lui cours après tu va brûler.

Et maintenant la nuit je pleure. Seule avec mes démons. Seule avec mes mensonges.


Je recommence à avoir peur. Les larmes menacent de revenir. Quand je sens une petite main se poser sur ma joue.

"Eh, ça va aller on est toutes les deux maintenant. Tiens regarde je t'ai fait ça."

Je lève la tête. Elle tient dans sa main un bracelet. Des perles rondes et roses nouées ensemble. Au milieu il y a une breloque en forme de cœur.  

"Donne moi ton poignet"

Je remonte ma manche gauche et dévoile mon poignet.

Elle le noue délicatement.

Je sens mon cœur et mon esprit s'apaiser d'un coup. 

"J'ai mis de la magie dans ce bracelet quand je l'ai fait. En plus je l'ai fait avec des pierres roses.

- C'est du quartz c'est ça ?

- Oui ! J'ai mis de la magie dedans et maintenant il peut repousser les cauchemars. Tu vas pouvoir dormir maintenant."

Je sens mes paupières devenir lourdes. J'ai l'impression de me rendre compte d'un coup de toute ma fatigue. Je décide d'aller m'allonger dans le hamac. La petite me rejoins.

Je la serre tout contre moi.

"Merci"

Elle sourit.

"Et dis, je peux encore te poser une question ?

- Oui ?

- Qu'est-ce qu'on fait là ?"

Elle ferme les yeux un instant.

"Je pense qu'on est juste là pour se réconcilier. Pour plus qu'on ait peur. Pour plus qu'on soit seules."

J'esquisse un sourire et dis :

"On finira bien par aller mieux si on s'y met toutes les deux."

Elle rigole.

"Promis juré craché qu'on ira mieux ?"

Je n'attends même pas la fin de sa phrase pour cracher par terre. Je me met à rigoler avec elle.

"Promis juré craché !"



Coucou toiWhere stories live. Discover now