Il faisait beau, ce qui était rare dans le Nord, même pour un mois de juin dont la fin approchait. Cependant, les maigres rayons qui parvenaient à franchir l'obstacle offert par les épais nuages gris n'apportaient que très peu de chaleur. La neige avait cessé de tomber, leur permettant ainsi de porter leurs regards au loin sans que leur vision soit brouillée. Les remparts de Nour étaient à peine discernables à l'horizon, noyés dans une brume opaque. Un vent glacial venait de l'ouest et leur fouettait le visage.
Cassis tourna la tête vers son frère, espérant trouver un peu de courage dans son regard. Ses yeux fatigués avaient l'air aussi las que les siens. Elle soupira.
Les mains gantées de Sam se resserrèrent sur les poignées de la brouette qu'ils utilisaient pour transporter la majeure partie de leurs produits.
– Allons-y, finit-il par dire, d'une voix peu convaincue.
Ils firent un premier pas en avant et leurs bottes s'enfoncèrent aussitôt dans une épaisse couche de neige. Cassis ne pu s'empêcher de grimacer en sentant cet étau de froid saisissant se refermer autour de ses pieds mais elle ne s'arrêta pas pour autant. Ils se mirent à marcher en silence, sans échanger un mot ni un regard. Chaque pas qu'ils faisaient laissait derrière eux une traînée boueuse, souillant la neige auparavant immaculée. Ils descendirent quelques marches de pierre pour rejoindre la route principale et Cassis manqua de trébucher.
Son regard se porta loin vers le sud où le soleil levant commençait à faire disparaître quelques étoiles. Un soupir las lui échappa malgré elle et elle baissa les yeux. Ses mains étaient crispées autour de la bandoulière de sa besace et sa mâchoire serrée. Ses jambes tremblaient presque et chaque frisson raidissait encore plus ses muscles. Les rayons du soleil se reflétaient sur le blanc de la neige, la forçant à plisser les yeux pour ne pas être éblouie. Sam avançait bien plus vite qu'elle et elle n'avait pas vraiment le courage ni la réelle volonté de le rattraper.
Ils franchirent les grandes portes sombres de la ville fortifiée un peu avant que sonne dix heures. Ils passèrent devant les gardes vêtus de noir qui scrutaient d'un air ennuyé les vagues de passants qui circulaient. Une caravane marchande était stationnée en plein milieu de l'allée et encombrait le chemin. L'homme qui en était responsable présentait ses papiers à un garde qui avait déjà l'air fatigué. Cassis failli s'arrêter un instant mais se contint à l'ultime moment. Elle passait suffisamment de temps dans les rues de Nour à écouter les crieurs pour savoir qu'un trajet à bord d'une caravane était bien au dessus de ses moyens. La plupart des marchands engageaient des mercenaires pour protéger leurs convois et le prix payé par les éventuels passagers montant à bord servait en partie à assumer le coût excessif de ces guerriers. La jeune ferme détourna les yeux, presque à regret.
Les bruits entêtants de la ville agressaient déjà ses oreilles, les cris stridents des marchands et les rires aigus des enfants s'organisaient en une fanfare dissonante qu'elle ne connaissait que trop bien.
Alors qu'ils rejoignaient leur emplacement et commençaient à exposer leurs marchandises, les premiers habitués arrivaient déjà. Les échanges aux heures de l'aube consistaient majoritairement de négociations entre marchands, chacun espérant pouvoir obtenir les meilleurs produits en s'y prenant si tôt. Puis, alors que le soleil levé commençait à faire fondre le gel, la foule habituelle déferla sur eux. Ils n'étaient que deux pour faire face aux nombreux passants qui venaient avec le jour et se trouvaient vite dépassés. Du point de vue de Cassis, les journées au marché étaient plus épuisantes que celles passées à travailler la terre. La jeune femme était principalement en charge de faire venir les clients et de traiter leurs commandes, tandis que Sam gérait leur inventaire. Il arrivait parfois que quelques voleurs viennent lorgner les étales avec envie, mais le garçon avait la main aussi vive qu'eux et n'avait guère de mal à les repérer. Comme à son habitude, il signala à sa sœur les individus suspects rencontrés au cours de la journée et ainsi Cassis fit fuir d'un regard furieux deux adolescents maladroits et une elfe des sables aux yeux brillants dont le visage était à moitié dissimulé par un châle bleu.
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Napolëìd - I, Couleur Opaline
FantasíaL'île de Napolëìd, partagée entre plusieurs royaumes et plusieurs peuples, essaie de maintenir tant bien que mal une paix fragile. Mais lorsque la voix des dieux se fait entendre et qu'une mystérieuse succession d'événements vient affecter le quotid...