Dérisoire

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   Enfin.
Seule, avec moi-même. Entourée par cette nature bienveillante. C'est parti pour une ballade, une aventure nouvelle à vélo.
   Je souffle profondément, évacuant toutes ces tensions qui me pèsent lourd. Bientôt, je pourrai m'envoler. Mais avant, voyons voir ce qu'il se passe en moi, dans mon corps...
   Un par un, je sens les différents organes qui me composent. Les muscles de mes cuisses, mes genoux endoloris pas l'effort; mes pied suivent le mouvement circulaire, posés sur les pédales; mes fesses appuyées sur la selle, mon dos puissant, mes épaules et mes bras confiants, mes mains agrippées au volant. Je me redresse pour plus de prestance.
   Au milieu de ce poitrail, de précieux organes s'activent.
   Inspiration, expiration, libération ! 
   Je sens mon cœur. Il prend de la place. Aucune partie de mon corps ne lui échappe : il cogne dans les oreilles, frétille dans mes doigts, palpite dans mes jambes.
   À présent, j'essaye de ressentir l'ensemble de cette mécanique qui se met en place, comme une partition qui se jouerait. Aucune note ne m'échappe.

   ...Que c'est reposant...

   Mais, il y a un petit problème ! D'où vient-il ? Je ne vois pourtant rien qui n'aille mal...
   ...Mince, bien-sûr ! C'est cette tête qui cogite sans arrêt ! Veux-tu bien te taire ?
   ...Je ne vais faire qu'empirer les choses. Pour calmer mon mental, je dois l'accompagner. Observer les pensées qui me traversent.
    Fais attention à la route !
   Tiens, c'est étonnant, je me tutoie ! C'est vrai, je l'avais remarqué auparavant, c'est pour être plus convaincante avec moi-même.
   Par exemple, quand j'ai peur de quelque chose, je sais avoir tous les arguments pour me convaincre que c'est absurde. Pourtant, je préfère aller chercher d'autres personnes pour qu'elles me rassurent. La plupart du temps, j'en reviens déçue et applique la méthode de secours : m'adresser à moi-même.
   ...C'est pas bizarre de se parler toute seule ? Suis-je la seule à faire ça ? Suis-je folle ?
   Voyons, on a déjà traiter la question, tu sais très bien que non !
   Et voilà, les idées fusent sans que je n'intervienne vraiment. Je laisse couler les pensées en y restant attentive.
   D'ailleurs, il paraît qu'elles ne nous interviennent pas, mais qu'on les capterait. Je ne suis pas d'accord, je peux penser ce que je veux ! Je suis libre de mes réflexions ! Brouette, libellule, oreillette ! C'est de moi que sortent ces mots !
   En effet, tu es libre. Mais ne va pas confondre pensées et réflexions. Tes réflexions, elles viennent tout droit de ton cerveau, tu les crées. C'est comparable à l'hémisphère gauche. Tes pensées, elles viennent de ton intuition, tu les captes, elle te traversent, et si tu en es capable, tu peux les développer, te laisser inspirer. C'est comme l'hémisphère droit.
   Intéressant. Voilà ce qu'il se passe quand je me laisse aller. D'un côté, c'est frustrant, parce que j'aimerais tout noter pour écrire plus tard.

   Dire que je crains qu'on puisse lire dans mes pensées ! Si moi-même ne suis pas en capacité à totalement les maîtriser, qui pourrait le faire ? Dérisoire.

Dérisoire : qui mérite d'être tourné au ridicule.

   Maintenant, après l'étude de l'intérieur, place à l'extérieur !
   Empruntons ce petit chemin, là où les arbres et les buissons nous enveloppent de haut en bas. Baigner dans cette merveilleuse atmosphère est source de plénitude.
   Rien de plus... magique, que la nature ! Allier puissance et tendresse est un art qu'elle maîtrise parfaitement.
   Je m'arrête et marche à côté de mon vélo, puis je ferme les yeux. Je découvre tout ce que j'ignorais, focalisée sur la vision. Le bruit de mes pas, des roues, des oiseaux, du vent. J'entendrais presque la voix de la montagne...

EscapadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant