Chapitre 1 Partie 1

4 1 0
                                    

On pouvait entendre la musique de ses écouteurs à trois rangs derrière. Bon dieu elle se brisait les tympans. Du rock peut-être, je ne me souviens plus très bien. Du moins, c'était fort et elle semblait adorer ça. Une de ses mains était posée sur l'accoudoir et elle retenait sa tête avec celle-ci, comme si, si elle ne l'a tenait pas elle allait tomber. Mais ça faisait bien longtemps qu'elle ne s'inquiétait plus de tomber. Elle s'était tellement ramassée auparavant. Plus tard, en apprenant à la connaître, ce qui m'a pris des lustres tant elle se méfiait, j'avais compris qu'elle était juste un peu usée par le temps et les maux de la vie.

En tout cas, elle était belle. Vous l'auriez aimé, j'en suis sûr. Certains disait qu'elle était charismatique, d'autres qu'elle était juste chiante. Moi, je la trouvais belle. Elle se démarquait par son esprit vif et son caractère indomptable. Son sac traînait comme toujours dans l'allée centrale du bus et à chaque coup de freins je le lui renvoyer par un coup de pieds. On faisait, en quelque sorte, une partie de foot, elle et moi. Du moins, j'aimais cette idée. Elle semblait intouchable et à ce moment-là je pouvais la frôler.

Et si seulement j'avais su ce qui allait se passer. J'aurais tout tenté pour la retenir.

A force de la voir dans ce bus j'avais fini par lui demander son nom. Alena. C'était beau, ça l'est toujours. Quand elle me l'avait dit je me souviens avoir d'abord compris Athéna. Je devais probablement avoir fait une blague pas très drôle par rapport à la déesse de l'amour. Soit mon humour était nul soit il était très difficile de lui arracher un sourire. Peut-être un peu des deux. En tout cas ce nom lui allait bien. C'était beau et raffiné. Elle me disait souvent qu'elle aimait le son que faisait son prénom dans ma bouche. Pas tout de suite bien sûr, ne nous emballons pas. Bien longtemps après.

Il faut dire qu'elle m'a bien fait ramer, Al'. Bon Dieu, il m'a fallu des jours entiers pour dégoter son numéro. J'avais d'abord tenté une approche détachée. « Ça attire les filles, le mystère. » m'avait dit Niall. Foutaises, elle n'en avait strictement rien à faire. Moi, j'attendais impatiemment la fin des cours pour courir dans le bus et la retrouver le plus vite possible. Elle, rentrait souvent juste avant que le bus ne démarre les cheveux mouillés malgré la capuche de son pull oversize noir –qu'elle portait environ trois-cents fois par an- et l'air renfrogné de quelqu'un qui ne regarde jamais la météo et qui s'étonne du mauvais temps. Il faut dire que le temps était plutôt instable du côté de Cambridge.

J'avais tenté l'approche détachée, maintenant je passais au niveau supérieur. Harry le Séducteur arrive. Pour se faire j'avais tout arrangé dans ma tête. J'étais arrivé dans le bus juste après elle –j'avais bien failli ne pas rentrer d'ailleurs parce qu'il était sur le point de partir-, j'avais tout calculé, tout. Aucun moyen que ça ne foire. D'abord, il y aurait du monde dans le bus, elle se ficherait des gens debout et regarderais par la fenêtre. Son sac serait sur le siège à côté d'elle. Je rentrerais dans le bus un peu essoufflé, mon tee-shirt blanc serait collé, à cause de la pluie, à mon torse musclé et on verrait quelques-uns de mes tatouages. Je ferais semblant de chercher une place et devrait malencontreusement lui demander d'enlever son sac pour pouvoir m'asseoir. Elle relèverait lentement le regard vers moi, me détaillant et quand elle atteindrait mon visage je lui sortirais mon plus beau sourire. Vous le connaissez, ce sourire en coin avec la petite fossette sur la joue. Charmeur je le sais merci. Elle aurait rougit et je me serais assis. On aurait parlé et elle serait sans doute tombée amoureuse de moi. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Ouais, sauf que ça c'était dans ma tête. Ce qui s'était passé en réalité se tenait à des années lumières de ce que nous avions prévu, avec les copains. Je vais vous faire un bref topo de ce qu'il s'est passé. Déjà il n'avait pas plu. C'est pas faute d'avoir essayé de faire venir la pluie. Danses, chants et prières. Rien à faire. Pas de pluie ce jour-là. Aucun problème. Le ciel avait décidé qu'il ferait chaud. Alors nous ferions une bataille d'eau. Si l'eau ne venait pas à moi j'irais à l'eau. Quel crétin j'étais quand j'y repense. Alors me voilà, j'étais arrivé au bus, le chauffeur avait démarré et m'avait lancé un regard noir parce que j'allais mettre plein d'eau dans son bus. Je ne me démontais pas je marchais le torse bombé. Les gens me jugeaient du regard de peur que je ne mouille leurs affaires. Les sacs d'école jonchaient l'allée. Je les enjambais assez facilement. J'arrivais à côté d'Alena et lui demandai d'enlever son sac pour que je puisse m'asseoir. Elle releva les yeux vers moi, je passai une main dans mes boucles humides et m'approcha de la banquette. Au moment où j'allais me poser l'autobus freina brusquement et mon nez s'écrasa brutalement contre le siège de devant. Je portai ma main à mon nez. Il me brulait et saignait. Je jurai et insulta tous les bus et conducteurs de la planète pour conduire si mal. Mon nez et ma lèvre supérieure étaient douloureux. Le sang coulait le long de mon menton. Sainte merde, j'avais mal. Puis j'entendis un rire à côté de moi –probablement l'un des seuls où elle ne se forçait pas pour satisfaire mon égo. Je me tournais vers elle. Al' était en train de se couvrir la bouche pour s'empêcher de rire. Je tentais de reprendre une contenance et dis d'un ton nonchalant comme si je n'avais pas mal :

« - T'as pas un mouchoir s'il te plaît ? »

Je comprends maintenant que mon ton avait été beaucoup trop nonchalant pour quelqu'un qui vient d'insulter la Terre entière parce qu'il avait mal. Ses rires avaient donc redoublés d'intensité et je fronçais les sourcils en essayant d'avoir la tête de quelqu'un d'énervé. Mais la vérité c'était que, finalement je n'avais pas eu si mal que ça est que j'avais simplement été surpris du coup –enfin c'est ce que j'ai raconté aux copains quand ils m'ont demandé ce qu'il s'était passé avec Alena dans le bus.

Bon je vous épargne le long baratin. Elle m'a ensuite passé un mouchoir pour m'essuyer le visage, s'est encore un peu moquée puis on a discuté de tout et de rien et j'ai finis par lui demander son numéro en le glissant dans la conversation comme si de rien n'était. Elle me l'a donné. J'avais gagné la bataille sans même qu'elle ne s'en rende compte. « Je sors en pièce, mais victorieux. » aurait dit Rousseau -ou quelque chose dans le genre. Quand on arriva à son arrêt Al' m'avait enjambé pour sortir du bus et je n'avais, depuis, pas cesser de penser à sa démarche calculée –et ses fesses qui étaient passées proches de ma tête aussi mais ça il ne vaut mieux pas qu'elle le sache. C'est une sacré féministe, vous savez.

_____________________________________________________________________________

TribulationsWhere stories live. Discover now