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Le rugissement des moteurs et le bruyant crissement des pneus sur le béton froid me ramenèrent à la réalité. Une fois de plus, étant incapable de résister à ses yeux de merlans frit, j'ai eu la bonne idée de suivre ma cousine. Il n'y a qu'elle pour m'emmener dans de tels événements. Elle sait jouer de ses charmes et a même réussi à me faire boire quelques verres plus tôt, juste de quoi me mettre plus à l'aise.

  A chaque nouvelle course, un soutien-gorge s'envole dans les airs pour signaler le départ. La foule s'ébranle et les chauffeurs explosent leur compteur, atteignant des vitesses que je n'aurai cru possible en quelques secondes.

  A Rio, pas de règles. Les pilotes s'affrontent lors de courses illégales mettant en jeu bolide ou liasse de billets. J'aime à croire que c'est un monde qui ne m'attire pas mais l'excitation que je ressens au fond de moi me prouve le contraire.

  Lorsque l'une des voitures passe la ligne d'arrivée, je m'apprête à exprimer à gorge déployée mon engouement cependant la foule reste calme. Dans l'incompréhension, je me tourne vers ma cousine les sourcils froncés.

— C'est Renan, me chuchote-t-elle.

  Son regard me guide vers une Nissan GT-R orange qui s'insinue à travers la flopée de spectateurs. Le silence se fait pesant. Bien que seulement âgé d'une vingtaine d'année, Renan est à la tête du gang le plus important des favelas que tous le monde connait sous le nom de "O comando de sangue". A la mort de son père, il a su s'imposer dans ce monde impitoyable en se montrant autoritaire et sans pitié. Son « règne » s'étend sur plusieurs quartiers, notamment Rocinha, la plus grande favela et certainement la plus dangereuse. Et pourtant, c'est là que je vis. A Rio, les gangs font la loi. Depuis de nombreuses années, le trafic de drogues a pris possession des favelas entrainant une rivalité entre les gangs. Leur soif de pouvoir est insatiable, ce qui a donné naissance à de nouveaux trafics en tout genre.

  Renan sort finalement de son véhicule. Je suis à ce moment-là frappé par sa beauté. Il m'est arrivé de l'apercevoir auparavant mais jamais je n'ai osé croiser son regard ni même le détailler de peur que cet acte me coûte la vie. Mais ce soir c'est différent, je suis éprise d'adrénaline. Son tee-shirt blanc moulant à la perfection sa carrure impressionnante, laisse entrevoir ses bras hâlés et parsemés d'encre noir. Jamais je n'aurai envisagé trouver un criminel aussi sexy. Mes yeux rencontrent les siens. Je m'efforce de détourner le regard en vain, je suis paralysée, comme piégé dans une bulle invisible. Les palpitations de mon coeur redoublent dans ma poitrine lorsqu'il me reluque longuement de bas en haut. Dû à la distance qui nous sépare, je ne parviens pas à percevoir la couleur de ses iris mais ce qui est certain, c'est qu'ils me transcendent, littéralement. Ce n'est qu'une fois que son regard me quitte pour saluer un homme que j'aperçois son arme rentrée dans son pantalon. Je prends alors conscience que non seulement les courses ont reprises mais ma cousine ne se trouve plus à mes côtés.

  Dans un élan de contrariété, je balaie la foule des yeux et bouscule quelques personnes. Connaissant Adriana, je sais qu'elle n'a pas de mal à se mettre dans de drôles de situations et c'est ce qui m'inquiète le plus. Pas plus tard que la semaine dernière, elle a débarqué chez moi en pleine nuit complètement essoufflée, proclamant qu'un vieil homme avait voulu la séquestrer. Je la retrouve en fin de compte flirtant ouvertement avec un beau métis aux yeux bleus, le bras droit de Renan.

— Adriana ?

  Ma cousine retire sa main du torse du grand brun et se tourne vers moi.

— Je t'ai cherché partout, ajouté-je.

  La concernée lève les yeux vers le ciel et s'avance d'un pas vers moi.

— Je t'ai dit que je m'absentais quelques minutes, seulement il faut croire que tu m'as pas écouté, prima. -cousine-

  Sur ce point, je ne peux pas la contredire. J'avais été tellement hypnotisé par l'arrivé du dangereux Renan que j'avais fait abstraction de tout le reste. Son visage parfait, sa musculature, ses tatouages. Tout chez lui dégage une telle puissance. Me voilà de nouveau ailleurs. Je secoue vivement ma tête afin de reprendre mes esprits.

— Alejandro était en train de me proposer d'aller à la fête. Tu veux venir ?

  Je devine par le doigt qu'elle lève en
sa direction qu'Alejandro est l'homme qui se tient  derrière elle. Je comprends rapidement à la mine qu'elle affiche qu'elle tente de me convaincre. Elle aborde ses yeux de merlans frit mais je suis bien décidé à lui résister cette fois-ci. Je décline alors son offre, protestant que je travaille le lendemain et qu'il faut donc que je rentre me coucher.

— Tu ne sais vraiment plus t'amuser, râle-t-elle. Où est passée l'ancienne Kaisa ? Elle me manque.

  Je me raidis face à ses propos. A moi aussi, parfois elle me manque. Mais pour l'instant elle ne se sent pas prête à refaire surface. Voyant ma mine quelque peu décomposée, ma cousine s'approche de moi et pause une de ses mains sur mon épaule.

— Oublie ce que je viens de dire. Je suis désolé.
— C'est pas grave.

  Elle me prend dans ses bras puis je décide de rentrer chez moi, au coeur des favelas.


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Voilà pour le premier chapitre

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Bisous

Rocinha [Le Coeur à feu et à sang - Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant