16 ans

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A seize ans, je n'aimais toujours pas les gens plus que ça mais je m'accommodais.  Au fond, je peux me l'avouer maintenant, je m'accommodais en ce temps tellement bien que je me perdais moi-même au jeu des faux semblants et des apparences. 

Trois ans passés, mon histoire avec Polly avait survécu, pas son amitié avec Agathe. Je n'avais pas vraiment compris mais un jour, elle était venue sur mon perron. Les yeux brillants, elle m'avait applaudi Agathe et ses bracelets avaient résonné dans l'obscurité. 

C'était un moment étrange, un peu hors du temps. Elle n'était pas vraiment belle Agathe, encore moins avec son visage bouffi, ses yeux rougis, le collant effilé sur la longueur de son mollet droit et les vêtements plissés. 

- Merci Vincent. A-t-elle souri, acerbe. 

Du venin coulait de sa bouche. 

- Merci de m'avoir pris Polly, de l'avoir enfumée, de l'avoir fait mal tourner. 

Je ne comprenais pas vraiment ses reproches, Polly avait seize ans, elle choisissait sa vie. 

- Ah, tu ne comprends pas ? Elle est amoureuse Vincent, elle ne sait pas que t'es faux jusque dans les creux de tes yeux. Elle ne sait ni que tu ressens rien ni que t'es vide. Elle croit que tu l'aimes, elle t'idéalise et toi, toi... tu tisses ta toile, tu l'emprisonnes, tu te joues d'elle. Tu me l'enlèves. 

Je fronçais les sourcils. Pour qui se prenait-elle ?  Ça la fait sourire. Elle a fouillé un instant dans son sac, m'a tendu un bout de papier rose, délavé, déchiré, froissé, plié, replié tant de fois qu'il avait l'air d'avoir des années. 

Puis, elle est partie. Y'a eu un éclair, ça sentait la terre mouillée, ai-je précisé que ce soir là,  il pleuvait ? 

J'ai ouvert la feuille, j'l'ai observée longuement avant de la lire et j'l'avouerai pas mais j'ai pleuré. Ça ravivait de mauvais souvenirs et là, ma seule pensée au sujet d'Agathe c'était qu'avec les mots, elle était indéniablement douée. 

6.12.09

Vincent, on dit qu'il est étrange. Marie et Manon, elles l'observent avec dégoût parce qu'il passe ses récréations à compter les fourmis. Fabien et Antoine, ils rient de lui parce qu'il préfère jouer avec les scarabées qu'avec eux et leur ballon. 

Personne ne comprend Vincent, moi non plus, c'est un mystère. Mais c'est bien parce qu'un jour, je sais que je le verrais vraiment. 

Quand y'aura plus de fourmis à compter, qu'il comptera sur les gens,  moi je pourrai dire que je l'avais cerné. 

Agathe


AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant