IV - CONNARD.

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Quand je me réveille, le lit est vide. Il fait toujours noir dans la chambre, mais c'est probablement déjà le matin. Je glisse mon téléphone dans la poche du jogging emprunté, et sors de la pièce. Les couloirs sont calmes. Dans le salon, deux ou trois corps semblent emmêlés, entassés sur le canapé. Je me fait discret pour rejoindre la cuisine malheureusement ouverte sur le salon, et m'y verser un verre d'eau. Une fois fait, je jette un regard circulaire à la pièce, dans l'espoir de trouver un endroit isolé. Je n'ose pas trop aller dans n'importe quelle pièce. Ce n'est pas chez moi, et je ne me sens pas vraiment à ma place.

Où a bien pu disparaitre Ange ? Et s'il était parti ? Je panique soudainement. Il ne m'aurait pas laissé en plan tout de même ? Je bois l'eau d'une traite, et repose le verre sur le comptoir. Un second regard me permet d'identifier une pièce baignée de lumière, au vu de ce qui filtre sous la porte.

Quand je pousse le battant, je découvre un bureau, probablement le lieu de travail d'un des parents de Sihan. Cependant, dans l'espèce de petit salon aménagé, ce n'est pas l'un d'eux qui boit tranquillement ce que j'identifie comme un café. Au moins, Ange n'est pas parti sans moi, ça me rassure. Il n'a pas l'air de m'avoir entendu, alors j'entre dans la pièce en refermant derrière moi. Doucement.

C'est une salle assez vaste, suffisamment pour y rentrer, face à moi, une haute bibliothèque d'angle, une table basse, et trois petits canapés en U. Suffisamment également pour installer, sur ma gauche, un gros bureau en chêne, et deux fauteuils face à celui-ci. Des armoires complètent le décor. Les murs sont couverts d'une tapisserie baroque sombre, et le sol d'un parquet vernis. Le mur du fond est percé d'une large vitre, seule source de lumière de la pièce. Ange est installé dans le même genre de vêtements que moi, probablement aussi empruntés au père de Sihan. De profil, des mèches folles tombant en boucles hasardeuses sur son front. Il serre sa tasse de café dans ses mains pâles, le regard ailleurs. Il est beau, c'est indéniable.

« Ange ? »

Il sursaute légèrement à l'entente de son nom, et se tourne vers moi avec un sourire narquois. Immédiatement, je retrouve le garçon qui m'a trainé ici contre mon gré.

« Matinal. Ma présence te manquait tant que ça ?

-Nan, j'avais peur que mon chauffeur soit parti sans moi. »

Il lève les yeux au ciel, amusé, et je m'assied sur le canapé qui fait dos à la porte. Il boit une gorgée de son café, avant de me tendre un des deux plaids qui trainaient sur l'assise de son fauteuil. Il passe le second autour de ses épaules et je fais de même. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est. Le soleil qui éclaire la pièce est pâle.

Pour une fois, il n'a pas l'air d'humeur à dire trop de conneries, et tant mieux. J'en profite pour prendre la parole. J'avoue avoir quelques questions à poser.

« Pourquoi m'avoir trainé ici ?

-Le jeu. »

On se fixe un instant.

« Très bien. Parce que ça m'amuse.

-Oh.

-Ça t'énerves ?

-Pour être franc, plutôt oui. Je me fais ramener à une fête stupide alors que je déteste ça, juste pour t'amuser, et je me retrouve à devoir te mettre au lit. »

Je le vois serrer les dents, et il pose sa tasse sans rien ajouter. Il remonte ses pieds en tailleur sur le canapé, imitant ma position. On se toise encore quelques instants, avant qu'un léger sourire vienne éclairer ses traits.

« Ouais. Désolé, Lili.

-Oh non pitié. »

Il éclate de rire, et m'arrache un sourire au passage. Il n'y a que mes sœurs qui utilisent ce surnom. Alors évidement, dans la bouche de quelqu'un d'autre... C'est assez ridicule.

Cap ou pas Cap ? [BL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant