Prologue

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- Ah...ah...

La souffle court, Yuuya s'approchait de la jeune femme, projetant son ombre menaçante sur elle. Il resserra son étreinte sur le manche du couteau qu'il tenait dans sa main droite.

- Stop...quelqu'un...quelqu'un, aidez-moi ! balbutia la brune, tremblant de terreur.

L'assaillant ne semblait pas percevoir la détresse et l'incompréhension de sa victime. Ses yeux rouges luisaient d'un éclat fiévreux, pareil à celui d'un fou.

- Hey...pourquoi tu ne te mets en colère qu'après moi ? demanda-t-il entre deux respirations bruyantes. Pourquoi est-ce que tu me frappes, alors que tu avais l'habitude d'être si gentille avant ? Redeviens la maman que tu étais !

- De quoi tu parles ? Je ne suis pas ta mère...

- Assez ! hurla Yuuya en brandissant sa lame au dessus de sa tête. Regarde moi dans les yeux...je suis en vie !

Sur ces mots pleins de rage, il poignarda la pauvre femme qui poussa une horrible plainte. Le sang gicla, éclaboussa le sol et les murs du wagon, polluant les alentours d'une substance poisseuse et rose.

Le garçon lâcha le manche de son arme et se pencha vers le corps inanimé de la jeune femme. Le visage de cette dernière était figé dans une expression étonnamment calme, pareille à celle d'une poupée de porcelaine. Un filet de sang coulait lentement le long de son menton, pour venir terminer sa course sur sa clavicule.

- M-Maman ? murmura Yuuya bouleversé, s'attendant visiblement à une réponse de la brune. Pourquoi est-ce que tu ne dis rien ? Est-ce que...est-ce que tu vas me laisser tout seul encore ? Maman...

Le visage défiguré par la tristesse, le garçon passa sa main dans les cheveux de la jeune femme. Il se mit à démêler soigneusement les mèches tachées de sang qui encadraient ses joues. Elle semblait presque assoupie.

Après quelques secondes passées à la contempler, son expression s'était radoucit.

- Ah je vois...tu dois être endormie. Je suis désolé...ça a dû être très douloureux.

Le garçon se redressa en soupirant, un sourire apaisé sur le visage. D'un geste lent, il tendit ses paumes vers le ciel et inspecta ses mains. Les tâches de sang qui les maculaient recouvraient en partie les scarifications qui s'étalaient sur ses avants bras.

- Mais...là maintenant, je me sens tellement bien. J'ai l'impression d'être enlacé par maman. C'est tellement agréable d'être envahi par la chaleur de maman. C'est la première fois que je suis si heureux.

Un bruit de verrou le tira de son monologue. Il se tourna vers la porte du wagon, se demandant qui pouvait bien le déranger dans ce train pourtant à l'arrêt.

Sa surprise fut grande lorsqu'il vit deux visages de moutons l'observer par le hublot de la porte. Leurs grands yeux verts et vides le fixaient sans cligner une seule fois.

Ils restaient là, immobiles.

- Des moutons ? Que font des moutons dans un endroit pareil ?

Yuuya ne s'attarda pas longtemps sur la question. Sa réalité lui jouait sans doute des tours, et dans tous les cas, il s'en moquait.

- Peu importe. finit-il par soupirer.

Il se remit à scruter ses mains en se tournant vers l'une des fenêtres ouvertes du wagon. La chaude lumière du coucher de soleil qui en émanait l'apaisait, et lui procurait un sentiment de bien être.

- Aaah...je suis enfin satisfait. il se dirigea vers la fenêtre d'un pas lent. Si je venais à mourir, là maintenant...

Il enjamba aisément le rebord et sauta avec souplesse sur les rails du chemin de fer voisin.

Il entendait.

Il entendait vaguement le bruit du crissement des roues de métal tenter tant bien que mal de freiner. Il entendait les coups de klaxon désespérés du chauffeur conscient qu'il ne parviendrait pas à arrêter la machine à temps. Il entendait le lourd engin se rapprocher à en faire trembler le sol, à en faire rouler des dizaines de petites pierres le long du chemin de fer.

Il se rapprochait.

- Je...

Le train percuta violemment le jeune homme, dans un vacarme écoeurant d'os et d'organes broyés. La douleur ne se manifestait pas chez Yuuya, seulement l'obscurité et la douce chaleur qui ne le quittait pas.

C'est la raison pour laquelle je suis né. J'ai l'impression d'enfin le comprendre. Je voulais être aimé par quelqu'un. Je...je suis...



  j e           s u i s         t e l l e m e n t         h e u r e u x.

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