Survival Story

(Last?) Chapter One

Statique.

Immaculé.

Hors du Temps.

Gray se tenait debout, droit et immobile dans ce couloir blanc.

Vide de vie.

Les bras le long du corps et les poings serrés, ses jointures se confondaient quasiment à l'albe du sol. Il était dans un milieu où plus rien ne passait, plus de mouvements, plus de vie, plus de déplacement d'air. Une contrefaçon de premier prix de la Vision du Paradis biblique. Son esprit, habituellement occupé par une réflexion perpétuelle, était vide.

Rien.

Transe exceptionnelle.

Ce moment était inaccoutumé.

Gray devrait ressentir de la peur, de la joie ou un quelconque autre sentiment. Il ne ressentait rien.

Rien.

Il ne fixait que cette baie vitrée derrière laquelle six personnes travaillaient pour sauver la personne en bloc.

Lui-même.

C'était monochromé.

Une seule couleur.

Neige.

Les acteurs de cette scène dans ce lieu confiné parlaient entre eux et semblaient inquiets.

Gray sentit un liquide froid couler de son œil gauche. Il amena la main dans ce liquide pour voir cette autre couleur.

Rouge.

Rouge sang.

Odeur métallique spécifique.

Structure unique.

Cette larme solitaire nichée sur le bout de ses doigts ne cessait de se déverser à haut débit le long de sa paume embrassant le poignet écorché et l'avant-bras. Elle s'écrasa sur le sol, à présent lui aussi, violé.

Un suivi visuel, continu, indifférent et sans émotion suppléait cette désescalade inconsciente.

" Ce n'est pas vrai ! "

Cette voix.

Familière et paradoxalement inidentifiable dans ce monde irréel.

Douc écho troublant.

Gray se mit en mouvement, sans bruit. Lors de son parcours, le couloir immaculé s'aménageait de quelques chaises contre les murs, de néons au plafond, de dizaines de portes fermées et d'une salle d'attente.

Il y avait quelques personnes à l'intérieur. Tous vêtus de styles différents, ils avaient l'air d'attendre.

D'attendre quoi ?

Il n'y avait plus rien à faire.

Le sang s'était arrêté de couler et prenait une couleur noir charbon. Gray avait, à peine, baissé les yeux pour contempler ce liquide ténébreux.

Le regard droit devant lui. Il était, à présent, à quelques millimètres de ce corps. De ce corps qu'il détestait autant que la haine lui permettait. Colère et mépris s'étaient aussi emparés de Gray.

Il se détestait et il avait réussi à se libérer de toute cette tension qui l'envenimait depuis des années.

Pourquoi était-il encore sur Terre?

Une silhouette se matérialisa à sa gauche. Gray ne pouvait dire si elle représentait une femme ou un homme.

Peut-être les deux.

Cela ne le dérangeait absolument pas.

'' Pourquoi, pourquoi Gray? "

L'interpellé se tourna vers cet agglomérat fantomatique sur lequel il y avait juste un endroit qui était parfaitement clair et net.

Ce sourire.

Ce sourire peiné.

Iel le comprenait.

Iel savait.

Iel aimerait l'entendre des lèvres de Gray. Cette silhouette émanait une aura apaisante. La colère de Gray se dissipait petit à petit. Ses lèvres commençaient à remuer tout en étant accompagnées de mots qu'il ne décidait pas d'émettre. Les mots venaient avec une étrange simplicité et une douloureuse vérité.

" Je savais que je n'allais jamais mourir vieux d'une crise cardiaque durant mon sommeil. Avec tout ce que j'ai enduré, je n'aurai jamais pu tenir jusque là et je me demande encore comment j'ai pu vivre jusqu'à 22 ans. Il y avait trop de choses qui me fatiguait psychologiquement et je pensais qu'en aidant les personnes, cela comblerait le vide qu'il y avait en moi. En fait, il ne faisait que s'agrandir. J'avais commencé à me scarifier à l'adolescence à cause de l'environnement familial et mon mal-être dans ce...corps féminin violé par deux adolescents. Cela s'était dissipé durant les années avant les coups de pute '' d'amis ''. Ils m'ont brisé. Dans un premier temps, j'avais tenté d'oublier tout ça en faisant des cadeaux et en étant disponible envers les quelques amis qu'il me restait, pour les aider au maximum... Je pensais que cela passerait avec le temps. Que je me réparerai moi-même. Mais Tout Ca et les choses, qui venaient m'empoisonner, m'avait repoussé dans mes derniers retranchements. Me scarifier procurait un soulagement psychique. Une libération de tout problème. Mais c'était une foutue drogue ultra addictive... La suite, tu l'as connais. "

Gray regardait dans le vide. Il se fichait d'avoir raconté les raisons mais il se fichait beaucoup moins du fait d'avoir été lâché par plein de personnes. La silhouette posa une main nette et nacrée sur son épaule.

Iel avait toujours ce sourire apaisant et désolé.

'' Ils m'ont brisé. Je ne comprendrais jamais l'espèce humaine. "

" Je sais, Gray... Tu as été fort. "

Il ricanait en ne croyant pas ce qu'iel lui disait. Lui? Fort? C'était la meilleure blague qu'on lui avait raconté et qu'il avait réussi à comprendre du premier coup !

" Si j'avais été fort, comme tu le dis, je ne serai pas là à discuter avec Toi. "

Iel resserra son emprise sur l'épaule gauche du jeune homme.

'' Tu aurais pu tuer des autres personnes. Tu as toujours cru en l'Humain. Tu as aidé ton prochain malgré toutes les épreuves et faire ce que tu as fait, ne t'enlève pas une force et un courage. ''

Gray regarda cet amas de fumée indolore avec quelques parties de corps visibles. Un léger trait de malice traversa ses yeux gris.

" Serais-tu Jésus ou Allah ou quelqu'un comme eux? "

C'était à Iel de ricaner avec un petit écho.

" Non, pas vraiment. Je n'accomplis pas des miracles. "

Gray sourit maladroitement et brièvement. Il se tournait vers la baie vitrée. Vers l'endroit où il était positionné plus tôt. Ses ami.e.s étaient présents. Il soupira en marmonnant:

'' Je suis Désolé, mes amis. "

Gray savait que son acte avait été égoïste mais il était fatigué, fatigué de tout. Brisé, brisé jusqu'au plus profond de lui-même. Mais il savait que ses amis surmonteront cet événement, Gray n'avait aucun doute là dessus.

" Tu me suis? ", dit-Iel en tendant son unique main.

Gray approuva de la tête. In Real Life, il n'aurait jamais pris cette main. Il ne supportait pas le contact physique avec les inconnus. Ses doigts enlacèrent ceux de cette silhouette qui l'entraîna hors des murs, de la gravité, de l'espace et du temps...

" Nul ne peut atteindre l'Aube sans passer par le Chemin de la Nuit "

- Khalil Gibran