4. Le masque de Calliopé s'en va

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Jeudi 22 mars

-Et, tu ressens comme un poids sur le coeur ?

J'ai pas répondu, je ne répondrais plus.

J'ai l'impression d'être ma propre spectatrice. La nuit, je ne m'entends plus crier, je vois seulement Romain plisser des yeux, comme pour se protéger de mes hurlements. Quand je croise un miroir, ce n'est pas moi que je vois, c'est un fantôme. Je ne suis plus moi, je suis une jeune fille assise dans une salle, qui regarde attentivement le spectacle. Sans savoir qui c'est moi qui suis sur scène.

-Calliopé ? me rappelle l'infirmière.

J'ai mal à la tête et c'est le feu dans mon ventre. C'est le tremblement de terre dans mon cœur, enfin, avec les morceaux qu'il en reste.

C'est trop blanc autour de moi. Je suis assise devant cette table qui me sépare de l'infirmière. Romain est assis à mes côtés. Ses yeux sont rouges, il a pleuré avant de me rejoindre. J'ai été convoquée ce matin ici. Je n'osais pas y aller toute seule. J'ai pris mon téléphone et j'ai appelé Romain en larmes en le suppliant de venir. Je n'avais pas le courage, je ne l'aurais plus jamais.

Je suis tellement égoïste. Il a quitté son travail pour venir. J'ai l'impression d'être à un interrogatoire de police depuis des heures. Et l'horloge me contredit. Ça fait un quart d'heure que je suis enfermée ici.

-Calliopé, est-ce que tu ressens un poids sur le coeur ?

Elle n'est même pas agacée, elle me parle comme à une folle. Peut-être que c'est ce que je suis ? Entrain de devenir folle. Folle de douleur, folle de terreur. Est-ce que je suis vraiment humanophobe ? Est-ce que ce mot existe seulement ?

J'ai envie de pleurer, de partir en courant et de ne plus jamais revenir. Ou si, mais de revenir en arrière.

-Non, je ne ressens rien sur mon coeur. Parce qu'il est parti en mille morceaux, je chuchote.

Elle hoche la tête et griffonné sur un papier. Je relève la tête vers Romain. Il sourit, ses cheveux en bataille, ses yeux moins rouges et ses habits de travers.

-Est-ce que vous avez quelque chose contre les humains ?

-Oui.

Oui, j'ai toute la rage du monde contre eux. Ce n'est même pas vrai. Je n'ai plus la force d'avoir de la colère. Ni même de la faim, de l'amour ou quoique ce soit. Je n'ai plus la force de rien.

-Est-ce que tu fais encore confiance à quelqu'un ?

Je veux pleurer, je veux oublier. Pourquoi il y a des chaînes qui m'empêche de sauter dans mon gouffre ?

-Je réponds à votre question par une question ; croyez-vous encore en la confiance ? Moi, non.

Mes mais se posent sur les cuisses en tremblants. Je me mords la lèvre et le goût du sang tombe sur ma langue. Elle hoche encore la tête.

-Je comprends, je comprends.

Non, vous ne comprenez rien. Vous ne comprendrez jamais rien. Votre mémoire ne bloquera jamais sur des instants terrifiants à chaque seconde de votre vie, vos nuits ne se résument plus à vos cauchemars, vos paysages aux visages défaits de vos proches.

-Vous êtes le représentant titulaire ?

Romain me jette un coup d'œil. Je ferme les yeux. Je n'ai plus la force de lui intimer d'accepter. Si on me le proposait, je ne crois même pas que j'aurais la force de mourir. Je veux dormir et oublier.

Romain a quatre ans de plus que moi. Il travaille déjà, il fait plus âgé avec sa barbe de quelques jours, avec ses yeux cernés dont je suis responsable.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 22, 2018 ⏰

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Carmin - Les étoiles brillerontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant