3. Les inquiétudes d'Edgar

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Je l'ai vu se détruire peu à peu depuis un certain temps. Deux mois, je crois.

Elle pleure, elle ne sourit plus, elle ferme les yeux et soupire. Mais qu'est-ce qu'elle a ?

J'ai aussi vu qu'elle sursauté quand on la touche et je l'ai entendu hurler quand une fille est venue la prendre dans ses bras par surprise. Elle s'est vite dégagée en tapant la fille et s'est ensuite recroquevillée sur elle-même sans bouger. Les yeux exorbités.

Vendredi, elle pleurait en philo. Je n'ai rien dit, je ne l'ai même pas regardé, j'ai essayé de suivre le cours. Même si je ne pensais qu'à elle. Mais je n'ai pas voulu la regarder pour ajouter à sa honte.

Calliopé.

Ce nom me fait rêver depuis le début de l'année. C'était une fille plutôt calme, qui ne se faisait pas remarquer. J'ai tout de suite remarquer son tic de lever les yeux au ciel avec un demi-sourire avant de sortir une remarque ironique, ou sarcastique. Chaque fois qu'elle esquissait un geste, c'était avec douceur et précision. C'était une fille normale, mais elle me faisait sourire dès que je posais les yeux sur elle.

C'était.

Aujourd'hui on dirait un animal traqué.
Elle ne sourit plus, chacun de ses gestes respire la peur et ses yeux reflètent la douleur.

J'aimerais l'aider.

Ce matin, elle est arrivée avec des cernes, comme chaque fois. Mais ces yeux n'étaient pas encore rouge. Eloïse lui a un peu parlé. Mais maintenant, Calliopé ne parle presque plus. Alors elles restent en silence l'une à côté de l'autre. Parfois, Lexy vient les déranger.

Je soupire et range mon livre dans mon sac. Je crève de faim. Ça fait une heure que toute la classe poireaute dans la cour pour manger. Il n'y a plus de place.

-Edgar !

Je me retourne pour me retrouver nez à nez avec Antoine. Il fait une tête de plus que moi, ses yeux bridés sont noirs et ses cheveux aussi. Il pose sa main avec entrain sur mon épaule.

-Mec, tu veux pas faire un baby avec nous ?

-J'aime pas le foot, je répond en grimaçant.

Il soupire. Je connais Antoine depuis deux ans, je sais qu'il adore le foot. Je veux bien l'encourager mais en faire, c'est pas pour moi.

-Bon, bouge pas, je vais leur dire que je ne joue pas.

-Tu peux aller jouer, je réponds dans un hochement d'épaule, j'ai d'autre amis tu sais.

Il rit.

-Je sais. Mais quand même !

Il disparaît sans me laisser le temps de répondre. Je soupire. Il y a des gens, et des choses aussi, qu'on ne changera jamais. Je fourre mon sac dans mon casier. Ça sent l'œuf pourri. Pris d'un doute, je prends la boite qu'Antoine a laisse traîner depuis un moment dans notre casier et l'ouvre. Je vais le tuer.

Non mais, sérieusement, qui laisse une œuf pendant je-ne-sais-pas-combien-de-temps à pourrir dans les casier d'un lycée ?

Antoine. C'est la seule réponse possible.

Je me dirige vers les toilettes et balance l'œuf avant de revenir au casier. J'y enferme définitivement mon sac en croisant les doigts pour ne pas le récupérer avec cette délicieuse odeur de périmé.

Carmin - Les étoiles brillerontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant