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Apolline n'avait jamais voulu cette vie. Elle n'était pas horrible certes, mais parfois elle songeait, le plus souvent lorsqu'un client s'occupait d'elle, à la vie qu'elle aurait mené si elle n'étais pas partie de la maison familiale cette nuit-là, à l'âge modeste de douze ans, si cette femme, Léontine, une prostitué travaillant dans la maison Lefebvre aussi appelée Le Grand Bordel, ne l'avait pas prise sous son aile. Peut-être serait-elle morte, c'est une des hypothèses les plus vraisemblables; son père aurait continué de la battre et d'abuser d'elle puis, comme sa mère auparavant, elle se serait tout simplement laisser mourir.

Cependant elle avait fait le bon choix et profitait de tous les petits instants de bonheur qu'elle rencontrait. C'était aussi une artiste à ses heures perdues, elle avait des étincelles dans le regard lorsqu'elle dessinait les traits de ses consoeurs avec un long pinceaux fin qui venait s'écraser sur une toile ancienne. L'odeur de la peinture lui faisait tourner la tête, plus même que les orgasmes qu'elle avait pu avoir avec certains clients doués. Vivre de son art était son plus grand rêve.

Cette après-midi là, elle avait affaire à un homme saoul, les plus simple à exploiter selon sa tenancière, elle n'eut aucun mal à l'emmener dans une des chambres à l'étage. Il se laissa déshabiller par ces jeunes mains déjà experte tout en gardant un regard empli d'ivresse en direction de la poitrine d'Apolline qui manquait presque de s'échapper et de laisser apercevoir un téton à chaque mouvement tellement, son bustier était serré. Les choses sérieuses commencèrent et elle descendit de plus en plus son visage sur le corps de l'homme jusqu'à embrasser sa virilité.

Pendant toute la fin de journée, ils continuèrent leurs ébats, bien sûr Apolline prenait son temps afin de tirer le maximum de francs de la poche de l'homme, toujours ivre d'alcool et de luxure.

"Allez viens mon ami! Profites de cet instant, admire toutes ces femmes qui ne sont ici que pour se soumettre à tes envies et subvenir à tes besoins. Dans ce genre d'endroits qui puent le foutre de tous les bourgeois déloyaux envers leur petite femme, il y en a pour tous les goûts mon frère, choisis ta crinière, ton corps et ta pilosité préférée et fais toi plaisir avec." s'écria un jeune homme qui avait la tête couverte d'une épaisse masse de cheveux noirs à l'égard d'un autre dans la vingtaine, qui lui semblait plus discret et réservé.

En effet, Hippolyte avait toujours eu un caractère opposé à celui de son ami, qu'il considérait d'ailleurs plus comme un frère, Basile, ce dernier croquait la vie à pleine dents, commettant péchés sur péchés, jouissant de la luxure et du bon vin sans se soucier du bon sens, des remords et de l'avenir. Ils avaient tout deux une manière différente de vivre au jour le jour.

Les deux amis étaient bientôt à la fin d'un long voyage en direction de la capitale et en provenance d'Avignon, c'est pourquoi Basile, plus âgé d'un an à peine, avait décidé de passer leur dernière nuit de voyageur dans Le Grand Bordel, où travaillait Apolline.

Son petit discours avait attiré l'oeil curieux de plusieures filles, c'est ainsi qu'il se retrouva rapidement entouré par une dizaine de jeunes femmes dont la majorité était déjà à moitié dénudées.

Hippolyte se trouva donc seul, son ami étant parti faire des folies qu'il ne voulait pas imaginer avec toutes ses admiratrices, il se décida à errer et à découvrir cet endroit si peu familier pour lui. Le jeune brun déambulait dans les couloirs mals éclairés du Grand Bordel en croisant de nombreuses femmes, habillées pour certaines, nues pour la plupart. Jamais auparavant il n'avait vu ni ressenti autant de tensions sexuelles dans un même espace; rien que l'idée de faire partie de ces hommes qui allaient et venaient pour forniquer de jour comme de nuit sans sentiments, le repoussait. Ne sachant plus où aller à force d'arpenter les couloirs sombres, il se résigna à descendre mais fut stoppé dans son élan par une femme assez forte avec des cheveux pailles, abîmés par un nombre incalculables de bouclages à répétition. Elle ne prit même pas la peine de se présenter ou de questionner Hippolyte sur ses envies, elle le tira avec tant de force vers une des portes derrière lui qu'il ne put résister qu'en criant son refus. Il tenta de s'échapper de l'emprise de cette femme opulente sans succès, son pouls s'accéléra, il ne savait que faire. Elle le jeta sur le grand lit au centre de la pièce et sa tête heurta le chevet en bois si bien qu'il fût légèrement sonné et qu'il n'entendit que vaguement la femme qui entra dans la chambre en sermonnant son agresseuse qui sortit de la pièce en lâchant un rire gras et fort.

Hippolyte se redressa afin de découvrir le visage de cette femme, il fut surpris de voir qu'elle ne devait pas avoir plus de vingt ans, son visage pâle et fin était entouré par une cascade de boucles blondes qui tiraient sur le châtain par endroit et ses yeux étaient remplacés par deux petites billes noires. Elle s'avança vers le lit et s'assit sur le matelas, au bout des pieds du jeune homme, un silence s'installa entre ces deux grands enfants et ils se dévisagèrent lentement. Par le regard inquiet de l'homme, elle compris qu'il ne se sentait pas à l'aise, alors elle le prit par la main et lui dit de la suivre. Elle avait l'air tellement douce qu'il se laissa emporter, comme hypnotisé par ce parfum frais qu'elle libérait.

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ApollineWhere stories live. Discover now