Chapitre 8

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— Il y a quand même une faille dans tout ton charabia, contra la jeune fille.
Le monstre inclina la tête sur le côté, comme un animal curieux. Éléonore s'expliqua:
— Si la femme n'aime pas ses filles, le sacrifice ne sert à rien. Mais si la femme aime ses filles, elle ne va pas les sacrifier, surtout si ça marche. C'est un paradoxe, conclut-elle.
— Le bon choix est un paradoxe. Il dépend du point de vue. Et même si la mère ne trouve pas que son choix était bon, il était nécessaire.
Éléonore souffla.
— Et maintenant ? Tu m'as raconté ton histoire, ta morale bizarre... On fait quoi ? Tu me racontes un nouveau paradoxe ?
Elle n'avait pu s'empêcher d'être ironique et cassante.
— Non, répondit le monstre fermement. Tu vas me raconter ton histoire.
— Je n'en connais pas. Tu veux que je te raconte un paradoxe ? essaya-t-elle de blaguer.
Elle savait que ce qui allait suivre ne lui plairait pas.
— Pas de paradoxe. La réalité. Ta réalité.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, mentit Éléonore, la bouche pâteuse.
Non, non, non ! Depuis le début de la nuit, tout tournait autour de ça. Autour de cet événement. Mais elle ne voulait pas y croire, maintenant qu'elle y était confrontée. Non.
Le monstre écarta les bras.
— Tu es sûre ?
Et soudain, il retentit.
Le rire.
Le rire d'un être aimé. Adoré.
D'un disparu.
Le rire de celui qu'elle avait tué.
Le rire de son petit frère.

Après minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant