Chapitre 1. Arrivée brutale

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Je roulais sous la nuit étoilée. Si étoilée. Une myriade d'étoiles à la beauté dure et brillante s'étalait sur la toile nocturne. C'était une nuit d'août idéale pour mourir. Ou pour vivre. Je ne savais plus. Je m'éloignais de L.A depuis une heure et demie. Je souhaitais mettre autant de distance que je le pouvais entre la ville et moi. Avant d'acheter de quoi me soigner. Ou de choisir de m'écraser en contrebas, sur les rochers battus par le Pacifique.

J'aurais pu prendre cette route des années plus tôt. Mais ce jour-là, ce n'était pas la bonne personne qui avait relevé et écarté de la route le petit Everleigh âgé de douze ans. Je venais de me faire renverser après avoir volé dans une boutique deux casquettes des Dodgers dédicacées. Je comptais les revendre, jusqu'à ce que cette foutue bagnole se mette entre le fric et moi. Cade m'avait ramassé et m'avait sauvé des flics. Par la suite, il s'était occupé de moi pendant que ma mère suivait son amant je ne savais où, puis un autre, et encore un autre. Cade m'avait appris les ficelles et je n'en avais pas cherché d'autres pour survivre. Je n'avais pas imaginé accomplir autre chose que des vols de bagnoles de luxe, des fraudes et des arnaques. Souvent, j'en avais oublié jusqu'à ma véritable identité. Everleigh Norton. Parfois, je menais la belle vie, parfois je récoltais des cicatrices sur le corps et le visage. Peu après mes dix-huit ans, ma mère mourut d'une overdose et j'emménageai chez Cade. Nous étions amants depuis mes seize ans mais ça ne nous empêchait pas d'aller voir ailleurs, lui et moi. Nous en faisions chanter certains, des hommes friqués dans le placard, qui ne portaient jamais plainte.

La pègre, la vraie, n'hésitait jamais, elle. Cinq mois plus tôt, peu après mon vingt-deuxième anniversaire, Cade joua avec le feu et il reçut une balle entre les deux yeux, juste devant notre immeuble. Je rendis l'appartement et je fis de mon combi Volkswagen bleu mon unique logement, ma maison. Celui-là même qui m'éloignait de L.A.

Ce matin-là, je commis une erreur semblable à celle qui avait mené Cade à la morgue. J'avais mis au point l'arnaque de trop. Peut-être que je divaguais depuis la mort de mon mentor. Peut-être que je voulais le venger. Peut-être que j'étais suicidaire. Perdu. Brayden Dillard me colla une balle dans le flanc. Je réussis à me barrer de son entrepôt et je rejoignis mon combi, dont je changeais l'emplacement chaque jour par précaution. Personne ne savait que je le possédais, que j'y dormais. Dillard avait récupéré le pognon de sa came, donc il ne me pourchasserait pas. Mais s'il me revoyait à L.A, il pourrait avoir envie de s'amuser. Longtemps. Avec le sourire.

Alors j'attendis le crépuscule dans ma camionnette de hippie et je filai loin de la ville.

Bordel de merde. Je parvenais de moins en moins à me concentrer sur ma conduite et à ignorer la douleur qui me taraudait, qui pulsait, qui me brûlait. Je dépassai le panneau d'entrée dans la petite ville côtière de Destiny Beach. Le destin. Les flots me parurent soudain irrésistibles, envoûtants. Un coup de volant brusque et les vagues me cueilleraient, m'envelopperaient comme un linceul, me berceraient jusqu'à la fin. Je sentirais la puissance de l'océan jusqu'au bout, sous cette nuit étoilée si belle, parfaite pour mourir.

Soudain, j'aperçus les vives lumières de la grande roue d'un parc d'attraction. Elles coupèrent net mon envie. Je ne désirais que les étoiles pour m'accompagner vers la mort. Et le Pacifique. Je vis un autre panneau d'entrée. Ocean Crests. Putain, ce que j'avais mal. Je remarquai des bungalows en bois juste au-dessus d'une plage. Une grande affiche indiquait qu'il s'agissait de locations pour les saisonniers ou les gens traversant une mauvaise passe financière ou familiale. Ocean Road était le lieu idéal pour se reconstruire, affirmait la pub. Ouais. Tu parles.

Et si je demandais un kit de premiers secours ? Certaines de ces personnes avaient dû en baver et comprendraient. Ou pas. Elles voudraient que j'aille à l'hôpital, où mon passage à tabac et ma blessure par balle seraient signalés aux flics. Si je refusais, les gens flipperaient. À condition qu'ils n'aient pas flippé avant face aux cicatrices sur ma tronche et mon corps.

Je suis ton refuge, Roman édité, 5 chapitres disponiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant