Chapitre 3. Angel Beach

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Trois jours plus tard...

Assis sur le sable devant mon combi, les bras croisés sur mes genoux remontés contre mon torse, je contemplais l'océan Pacifique, juste face à moi. Le soleil descendait sur l'horizon, dans les flots, qu'il teindrait bientôt de feux orangés. Ma capuche me protégeait d'éventuels regards et le ressac m'apaisait.

Je n'avais pas pu me résoudre à quitter Ocean Crests. Comme si cette ville me l'interdisait. M'attirait, me promettait de belles choses à venir, me chuchotait à l'oreille que tout irait bien ici, désormais. Peut-être aussi que la présence de quelqu'un m'empêchait de trop m'éloigner. J'avais préféré suspendre plutôt que rompre la corde déjà trop tendue.

Après avoir quitté le bungalow d'Adriel, j'avais longé la côte escarpée, puis j'avais vu un autre combi jaune et un vieux camping-car, tous les deux stationnés sur cette plage aux eaux limpides recouverte de nombreux rochers, à la sortie de la ville. Angel Beach. Pourquoi pas. Si ceux de L.A ne m'avaient pas trop porté bonheur, peut-être que celui d'Ocean Crests remplirait correctement son rôle.

Je me garai puis j'installai ma douche solaire entre deux rochers. Je l'avais eue dans un magasin de sport, au rayon camping, lorsque j'avais vécu seul après la mort de Cade, et que je me réfugiais dans des endroits isolés. Pour une centaine de dollars, j'avais de la qualité. Un sac de quarante litres, de quoi prendre deux douches. Le tuyau flexible était solide, et le pommeau possédait un faible débit pour que chaque douche dure longtemps. Pendant les trois heures que nécessitait le chauffage de l'eau, je me débarrassai de mon t-shirt plein de sang dans un container le long de la route. Puis je regagnai mon combi, où je m'affalai sur mon lit, serrant ma couette rayée contre moi. Je dormis de nouveau. Longtemps.

À mon réveil, la plage était toujours aussi déserte, et mon humeur plus stable. Mes douleurs étaient moins vives, plus sourdes. Je pris ma douche, dissimulé par les rochers. L'odeur de l'iode, se mêlait à celle des fleurs des buissons, plus loin, ainsi qu'au parfum du gel douche marin. Ça me revigora.

Alors que je nouais ma serviette autour de ma taille, un mec surgit et considéra avec attention les contusions et les hématomes dont j'étais couvert, ainsi que la plaie recouverte de bandelettes adhésives.

— Putain, dégage ! hurlai-je.

Il ne fuit pas, ne grimaça pas face à mon visage, ce que j'appréciai, et qui m'aida à ne pas lui foutre mon poing dans la gueule.

— Tu aurais dû prévenir que tu te douchais, dit-il d'une voix tranquille et fluette.

— J'aurais dû mettre une pancarte ?

— Nous prévenir. Nous sommes tes voisins, et ça peut aider, pour éviter que quelqu'un te vole pendant que tu te laves. Daya, se présenta-t-il.

— Un prénom de fille ? Tu es une fille ? l'interrogeai-je, surpris.

Je m'attardai sur son corps filiforme vêtu d'un t-shirt rayé et d'un short marin, ses longues jambes et ses pieds chaussés de tongs, ses cheveux courts et blonds, avec une mèche, et son visage androgyne.

— Oui et oui. En théorie. À la base. Je ne suis pas androgyne pour rien, ça correspond à mon mental. Je suis il ou elle selon l'inspiration du moment, les gens, comme tu veux toi.

— Ben moi, je m'en fous, déclarai-je. Everleigh, me présentai-je à mon tour.

Nous revînmes ensemble vers mon combi, dont elle voulut voir l'intérieur. Je laissai faire et elle observa les placards et le plafond en bois, le coin cuisine bleu et ses cactus, le lit à deux places au fond, l'attrape-rêves aux tons bruns au-dessus. Elle parut apprécier. L'agencement était ce qui m'avait poussé à l'acheter, trois ans plus tôt, quand mes escroqueries rendaient impossibles tout retour vers l'appartement, le temps que ça se tasse.

Je suis ton refuge, Roman édité, 5 chapitres disponiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant