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   Comment est-ce qu'ils ont fait ?C'est la question que se cogne en continu dans mon crâne. Elle ne cesse de flotter dans mon esprit. Elle se cogne, me fracasse puis recommence jusqu'à me démoraliser, jusqu'à ce que je me sente vide. Vide. Je ressens un grand vide. Et quand il monte en moi, quand il s'agrippe à moi je ne peux m'empêcher de me demander comment les autres ont-ils fait pour le vaincre. Puis, je regarde autour de moi.J'observe ce qui m'entoure. J'ai de la chance et je le sais.Pourtant, je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à trouver ma voie. Je sais d'où je viens mais je ne sais pas où je veux aller. J'aimerai dire je sais qui je suis mais je ne peux pas. Ce serait mentir.Peut-on savoir qui on veut devenir si on ne sait pas qui on est ?Moi je crois, oui. Peut-on considérer cela comme un objectif ?Ça se discute.

   Je me demande si un jour, on peut vraiment dire qu'on sait qui on est. Je me demande si un jour, on peut se dire « j'ai réalisé tout ce que je voulais ».Je me demande si un jour j'arrêterai de rêver. Je ne crois pas que ce soit possible. Du moins pour moi. J'ai comme l'impression que chaque jour, je me poserai des questions sur mon existence. Et je ne le vois pas d'un mauvais œil. Loin de là. Je ne veux rien considérer comme acquis. Je veux chaque jour de ma vie me construire encore un peu plus. Comme si je construisais une maison, ma maison.Doucement, très doucement mais sûrement. Je veux rajouter une brique à cette maison chaque jour. Puis, au fil de mon existence les murs seront ancrés dans le sol et je passerai à la toiture. Je poserai les tuiles délicatement. Parfois, j'en poserai trop rapidement et elles tomberont m'emportant dans leur chute. Je le sais. Mais j'aurai toujours ces murs ancrés dans le sol qui me soutiendront. Et même si ils se seront écroulés avec la toiture je recommencerai. Peut-être que cette fois je ferai encore plus attention. Je ne referai pas les mêmes erreurs. J'en ferai d'autres,c'est sûr mais je me relèverai parce que je ne supporte plus l'idée de rester au fond du trou. Je ne veux plus jamais la supporter.. Au contraire, je veux que cette idée me donne des frissons.

   Je me pose mille et une questions.Mais ça revient toujours au début. Comment est-ce qu'ils ont fait ?Je regarde les gens qui m'entourent parfois même des passants et j'observe. Je peux passer des heures à faire ça. Je m'assoies avec mes écouteurs et j'observe. La musique défile tout comme le flot de personnes qui passent devant moi. Quelles batailles ont-ils vaincues ou pas vaincues ? Contre quoi se battent-ils ? Pour quoi se lèvent-ils tous les matins ? Aiment-ils leur vie ? Si non,que font-ils pour la changer ?

   Les questions me submergent et alors je plonge dans un monde parallèle. Je l'adore. Je le déteste. Il est totalement inconfortable mais j'y vais régulièrement. Parfois,il me fait un bien fou. Parfois, il me fait me sentir nulle. Idiote.Minable. Souvent, il me blesse, profondément. Puis je me rappelle que ce monde, c'est moi qui le construis. C'est moi qui ai les cartes en mains. Mais malgré cela, malgré le fait que ce monde soit le pur fruit de mon imagination, c'est tout comme si il était vivant. Il est toujours là pour me mettre des claques quand je m'égare. Il m'arrive de les esquiver. Je n'en fais qu'à ma tête parce que je veux essayer tellement de choses. Cette soif d'aventures se fait si forte. Mais je suis humaine et je fais des erreurs. Alors ce n'est pas une claque que je me prends mais un poing en plein dans le nez ou encore dix énormes claques d'affiler enchaînées par des coups de pieds dans le ventre. Je tombe, je m'écorche les genoux, ça peut aller jusqu'à l'os. Il faut me recoudre. Non. Il faut que je ME recouse seule. Alors au début c'est fragile. C'est tremblant. C'est difficile. Ça fait mal. C'est laid. Mais je me relève doucement. Je respire difficilement. Ça m'arrive d'éprouver de la honte. J'essaye de cacher mes blessures par un sourire. Pas toujours vrai mais rare sont les personnes qui font la différence. Et, un jour, je me lève et je n'ai plus honte de ces cicatrices sur les genoux. Je peux même dire que je les aime. Elles font partis de moi. Elles représentent un chapitre de ma vie et au final, c'est peut-être pas plus mal comme ça. Dès que je les verrai, je repenserai à tout leur parcours. A tout notre parcours. Pour rien au monde je veux regretter ces cicatrices. C'était une leçon de vie.


    Je ressors de ce monde. Il ne faut jamais y rester trop longtemps. C'est risqué. Ça vous bouffe. Et dans la vie, il faut bouffer et non pas être bouffé.  

Recueil de nouvelles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant