"sur la plage abandonnée"

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Je marche le long d'une côte. Le soleil est encore bas dans le ciel. Il fait briller de reflets d'or la mer qui ondule de plaisir. Peu de gens connaissent cet endroit, il est accessible uniquement à ceux assez courageux pour escalader les rochers qui le sépare du reste de la baie. On fais parti de ces casses-cous. Mes amis et moi l'avons découvert l'été avant notre entrée en seconde, depuis c'est devenue un peu notre sanctuaire. Surtout maintenant que nous sommes presque tous dans des classes différentes. Les autres se sont tous plus ou moins fais d'autres amis, pas moi, j'ai eu beaucoup plus de difficultés qu'eux de ce point de vue là et mes amis sont restés les mêmes depuis la fin de la troisième. Ce bout de plage, abandonnée de ce qui semble être le reste de la civilisation est un des rares endroits où je peux les revoir tous ensemble.

On est venu pour se baigner ce matin et fêter le début des vacances de printemps, c'est bientôt la fin du lycée alors on profite de chaque petit moment pour passer du temps réunis. A la fin de cette année, on sera tous dispersés aux quatre coins du pays, à poursuivre nos vies et nos études dans l'université de nos rêves. On y pense tous mais aucun de nous n'ose en parler, on se contente seulement de profiter de ces instants fugaces qu'ils nous restent de notre jeunesse. Il fait très chaud pour cette période de l'année mais personne ne s'en formalise vraiment, tout le monde est heureux de pouvoir profiter de la mer deux mois plus tôt. Pourtant c'est juste une preuve de plus de l'action de l'Homme. Le réchauffement climatique est de plus en plus visible.

Mes orteils s'enfoncent doucement dans le sable. Mes chevilles sont agressées par le ressac quand la mer remonte. Mes pieds laissent des empreintes éphémères sur le sable humide, que la mer emporte avec elle. Nous aussi nous sommes voués à disparaître aussi insignifiants que ses empreintes, au final plus personne ne se souviendra de qui on était. De ce que nous avons pu faire. Que j'aimerais m'en aller moi aussi, comme ces traces de pas, je les envie de la facilité déconcertante avec laquelle le temps les emporte, comme ça, loin sans excuse, sans motif, juste partir et oublier.

Je suis seule sur cette plage à l'heure qu'il est. Mes amis sont partis charger la voiture : il faut que nous partions avant midi pour être à l'heure au barbecue organisé par un autre groupe d'amis de notre lycée. Je n'aime pas être pressée par le temps, contrainte. Pourtant, malgré ma solitude apparente, et la certitude qu'il n'y a plus que moi sur cette plage, je vois des empreintes qui elles ne disparaissent pas quand la mer vient les chercher. Elles semblent s'accrocher dans le sable, farouchement jalouse de leur place, ne voulant pas abandonner la bataille contre l'oubli. Cela me fait sourire, moi je ferais tout pour qu'on m'oublie, pour oublier ma vie.

Au loin une forme pale et brillante, que je ne vois ni ne reconnaît distinctement. Pourtant j'ai une impression de déjà vu. Un sentiment qui oppresse ma poitrine. Je ne peux rester sans rien faire, cela m'intrigue je veux me rapprocher. Je cherche à me rendre plus près de cette apparition mais plus j'avance, plus j'essaye d'accélérer et plus je suis entravée comme si une force me repoussait. C'est comme si je m'enlisais dans du coton invisible pourtant il n'y a rien, absolument rien à part moi. J'essaye, j'essaye encore et encore, pourtant je n'arrive pas à me rapprocher. Je cours contre l'infini à la poursuite du néant. Je m'acharne contre ce mur invisible qui me tient à distance de cette chose qui bien qu'indéfinissable me semble familière et connue, d'une certaine façon. Je finis par abandonner. Suis-je bête de m'acharner pour un reflet de soleil. Ce n'est sûrement que ça justement, je ne devrais pas me fatiguer pour quelque chose d'aussi banale. Je tente de m'en convaincre. Je n'aime pas resté dans le flou, plus maintenant. On m'appelle, je reprends mes esprit et me rappelle que je dois reprendre la route, je baisse les armes, et c'est comme si je perdais une btaille contre moi-même et mon envie de connaitre cette chose.

Ce mirage me reste en tête. Pourquoi ma volonté s'effiloche-t-elle si facilement ? Pourquoi ne puis-je pas aller au bout de mes initiatives ? J'en ai marre si j'avais un peu plus de courage ma vie serait sûrement différente. J'ai fais des choix dans ma vie que je regrette et qui je le sais sont dues à mon manque de courage, ma peur d'échouer et de décevoir mes proches, et aujourd'hui je ressens cette même déception, j'aurai du essayer plus longtemps. Et puis qu'est ce que ces empreintes font ici  comme figées dans le marbre et non dans du sable, elles devraient disparaitre aussi, comme les miennes l'ont faitent ? Tellement étrange. Des questions et encore des questions, mais toujours sans réponses. Je déteste ça, toute ma vie repose sur des questions sans réponses, sur des affirmations bancales reposant sur des faits qui ne sont même pas avérés. Je suis une réalité faite d'imaginations et de mensonges par omissions. Tout à commencé avec l'abandon de mon père. Qui suis-je au fond ? Que fais-je dans ce monde si rien ne m'y retiens ? Même ma mère, qui dit m'aimer, ne me regarde plus avec les mêmes yeux. Oullala de nouveaux ces tristes pensées qui m'acculent et m'engloutissent, comme une toile d'araignée. Aller stop finit de se larmoyer et de se morfondre sur moi-même; j'ai des amis qui m'attendent ce n'est pas le moment de déprimer sur ma vie. Je souris, j'essaye de trouver du plaisir à être là entourée de mes amis, à profiter du début de nos vacances. Je rigole montre mes dents au vide. Je cherche vainement à me persuader que si je feins le bonheur il viendra à moi.

Je vois mon amie qui arrive de derrière les rochers. Je lui prends la main et repars vers les autres qui m'attendent, sûrement déjà installés dans la voiture.

Et puis la situation n'est pas immuable, ce n'est pas la fin, je peux avancer, changer les choses. J'ai le temps de chercher le bonheur, que je n'ai pas encore trouver et qui continue à m'échapper.

Les vacances ne font que commencer, en fait.

Les étoiles brilleront pour nousWhere stories live. Discover now