Loin,
Derrière les réverbères multicolores, la poubelle et le chien qui boit la flaque d'huile, un homme est assis. Ses fesses âgées sont posées sur le muret de pierre. Et il regarde. Il regarde le temps passer, les gens passer, la vie se dérouler. Il regarde, mais il ne prends pas part. Il est vieux maintenant, comme en témoigne sa canne qu'il doit parfois serrer de ses doigts noueux pour ne pas tomber en avant, il est vieux et tout cela le dépasse.
Pourquoi ces gens courent ? Lui aussi, quand il était jeune, il courait. Il courait même presque plus vite. Mais à présent, il en a oublié la raison. Qu'est ce qu'il voulait tant rattraper ? Son futur ? Les erreurs du passé ? Mais et le présent dans tout ça ? C'est bien flou pour lui. En fin de compte, la raison de ces courses effrénées devait être bien stupide.
Et maintenant, il se sent con. Enfin, il trouve qu'avant, il était con. Mais en même temps, quand il sera mort aussi, il trouvera que ce vieillard a été bien con. On trouvera toujours le passé plus con que le présent, et le futur incroyablement intelligent. Pourtant, à bien y réfléchir, c'est ce passé con qui forge ce futur intelligent. Alors, comment est-ce possible ? Et si on considère que le futur du futur le trouvera con, peux-on toujours qualifier le futur d'intelligent ? Au final, tout est question de l'observateur de référence. Qui est le plus apte à juger ? Le passé, le présent ou le futur ? Ou le futur du futur ? Il ferme vivement les yeux, secoue la tête. C'est bien trop à penser pour ses neurones déjà usées.
Les passants, voilà quelque chose de simple sur lequel poser son esprit. Les passants et leurs airs crispés, leurs bras tendus, les lèvres pincées par la frustration. Notre homme trouve qu'ils se ressemblent tous. Hommes comme femmes, jeunes comme d'âge mûr, ils appartiennent tous à la même catégorie. Les travailleurs. Ces dignes ouvriers de la société, qui se gâchent la vie en travaillant pour l'améliorer. Quel paradoxe. Le papi du muret à toujours méprisé les travailleurs.
"J'étais autodidacte"
Il aimait scander fièrement a quiconque se risquait à lui parler de son passé. Autodidacte, et c'est sûrement pour cela qu'il essayait d'arrondir ses fins de mois sur ce muret. Le bras tendu, ne bougeant pas d'un millimètre malgré ses nombreuses réflexions, quelques malheureuses pièces dans un chapeau d'antan. "Au moins, ma vie aura été belle" il ne cesse de se répéter.
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Moods .
Short Story- Artwork by @Loish Les émotions sont mieux courtes et intenses. J'aime les recueillir, les traiter, une par unes, nouvelle par nouvelle. Je les veux tristes et joyeuses. Profondes et légères. Complexes et enfantines.