Jungkook ouvrit doucement ses deux yeux, et saisit son téléphone situé à côté du petit matelas. Il était trois heures du matin, et le brun put constater son ami dormir paisiblement sur le grand lit.
Il avait été décidé que Jungkook resterait dormir cette nuit. Tout cela paraissait si bizarre pour ce dernier, il avait fait face à tant de révélations ces derniers temps, et pourtant il avait comme l'impression d'être tombé amoureux de Taehyung. Dans un certain sens, évidemment. Il était absolument attiré par son histoire et sa merveilleuse personnalité, il le trouvait tout simplement fascinant et fantatique.
Le noiraud soupira. Il dût se lever, le sol se faisait trop dur à son gout. En sortant de la couette, la froide température le frappa. Une légère plainte sortit d'entre ses lèvres et il saisit instantanément un pull laissé sur la chaise de bureau du blond. Il regarda par la fenêtre, et y vit un magnifique ciel dégagé remplit d'étoiles, et une belle pleine lune.
Il saisit le paquet de cigarette provenant de son sac, et sortit de la chambre discrètement afin de rejoindre le jardin. Il y découvrit un salon de jardin plus qu'adorable, ainsi qu'une grande piscine dans laquelle la lune se reflétait.
Il alluma le contenant de nicotine, et tira longuement dessus avant de laisser un nuage de fumée s'extirper. Tout cela le rendait si heureux, bien trop heureux. Taehyung lui donnait une raison de vivre, et c'était bien trop pour lui. Lui qui n'avait qu'une seule envie, celle de mourrir.
La nuit fût longue, remplie de pensées, accompagnée d'une insomnie devenant habituelle. Le lendemain matin, ce fût Taehyung qui le réveilla.
"Bonjour, gros dormeur!" s'exclama-t-il, en souriant à pleines dents.
Le blond venait de balancer un coussin sur la tête du noiraud. Jungkook aiguisa un petit sourire, sentant la fatigue dans tout son corps. Comme d'habitude, se disait-il.
"Dis, tu m'as volé un pull!" remarqua Taehyung, pointant le pull que portait Jungkook du doigt.
Ce dernier regarda directement le vêtement qu'il portait, et le retira instantanément.
"Désolé.. J'avais froid cette nuit." dit-il faiblement, d'un air coupable.
Taehyung sourit légèrement, et s'asseya à côté du matelas dans lequel Jungkook était installé.
"Non mais c'est pas grave, t'inquiète.." répondit-il, tout en passant sa main sur l'épaule dénudée du brun.
Jungkook se leva et attrapa ses vêtements puis alla se changer dans la petite salle de bain appartenant à Taehyung, après lui avoit emprunté un caleçon propre. Cela pourrait paraître bizarre puisque les deux se connaissent depuis seulement quelques jours, mais pourtant le lien qui les unissait était si fort que ce genre de choses leur paraissait normal.
Les deux garçons arrivèrent au lycée, et la journée débuta enfin. Comme à son habitude, Jungkook faisait l'insolent en classe, rigolait avec ses amis, feignait ne pas avoir faim le midi, et songeait en cours. C'était son quotidien, après tout.
La fin de la journée approcha, et la cloche retentit, signe de la fin des cours. Les élèves se pressaient à la sortie, devant les grilles. Comme si quitter les lieux était une liberté pour eux. Jungkook n'était pas d'accord.
Au lycée, il y avait les amis, les cours, les gens, de l'attraction. Quelque chose qui lui permettait de penser à autre chose, à quelque chose. Quelque chose qui occupait ses pensées, dans un bon sens. Lorsqu'il rentrait chez lui, c'était pire. La douleur faisait plus mal. La faim était plus grande. Les pleurs étaient plus bruyants. Tout était amplifié.
A peine avait-il traversé le seuil de la porte que sa mère vint le rejoindre.
"Coucou chéri, comment vas-tu mon poussin?" demanda-t-elle, prenant les sacs qu'il portait.
Il la serra dans ses bras, sans vraiment d'émotions, puis lui sourit.
"Ça va super, et toi?"
En réalité, il allait mal. Son esprit le torturait. Il ne supportait pas le fait d'encore respirer. Son corps continuait de vivre, mais son esprit ne suivait pas. Au contraire, il hantait sans repis le jeune garçon. Mais il faisait semblant. Comme il fait toujours.
"Bien, bien.. Tu veux manger quoi ce soir?" questionna-t-elle, se doutant déjà de la réponse.
"Je.. Uhm, je sais pas vraiment. J'ai pas très faim de toute façon."
Bingo. C'est bien ce qu'elle pensait. Exactement. Mot pour mot. Elle se demandait bien comment, pourquoi.. Qu'avait-elle manqué? Pourquoi son fils était-il si malheureux? Pourquoi disait-il qu'il n'avait pas faim alors qu'il l'était forcément au bout d'autant de temps.
"Jungkook, je.. Ça fait trois jours mainenant."
"Mais t'inquiète pas, maman.. Pleins de gens ne mangent pas pendant une semaine en guise de régime! C'est tout à fait sain!"
La mère du plus jeune s'installa sur le siège de la cuisine après avoir déposé les sacs dans l'entrée. Jungkook soupira et entama les marches de la maison en direction de sa chambre.
"Je suis censée faire quoi, Jungkook.. Dis-moi, j'ai raté quoi?" résonna la voix craquelante de la femme de maison.
Jungkook s'arrêta, au beau milieu des escaliers, et fit le chemin retour. Il se positionna dans l'entrée de la cuisine.
"C'est vrai, dis-moi.. Ton père est absent, mais je m'occupe de toi. J'essaie. Je ne sais pas, je veux bien t'aider, mais je dois faire quoi? Dis-moi, s'il te plait. Parle-moi. Qu'est-ce qui ne va pas?"
Le noiraud baissa la tête, laissant une larme couler le long de son visage. Qu'est-ce qui n'allait pas? Tout. Il respirait, son coeur battait. Voilà ce qui n'allait pas. Il essuya doucement la perle salée, et releva la tête, souriant à pleines dents.
"Je vais bien, maman. Je vais bien."
Ces fameux mots qu'il se répétait continuellement. Bien sûr qu'il allait bien. Il y avait tellement pire dans la vie, ce n'est pas son mal-être qui comptait. Son anorexie et son malheur n'étaient rien face à l'atrocité que d'autres vivaient. Il fallait relativiser, n'est-ce pas?
Il prit sa génitrice dans ses bras, et la serra fort. Aussi fort qu'il le pouvait.
"Je n'ai juste pas très faim. Mais je mange le midi, avec mes amis, et puis en sortant des cours.. Ne t'inquiète pas, maman. Je me nourris." osa-t-il mentir.
Il remonta doucement les escaliers, ce fameux goût salé sur les lèvres qui était devenu habituel, et des remords comme toujours. Une culpabilité horrible qui traversait son corps. Il détestait mentir. Mais il n'avait plus le choix, non.