Chapitre I : Le dernier requiem

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1785, Grechka Hoffmann est seule dans le Cragside House and Gardens...

Sur un air d'opéra, je retirais les lacets de mon corset. Une symphonie de violoncelles résonnait à côté de ma chambre. J'avais cette pulsion, lorsque je voyais mon visage maquillé dans le miroir, de cracher sur mon image. Cet homme m'attendait, étendu sur le lit de pourpre, et recouvert de draps fraichement souillés. Il s'impatientait, et se redressa du lieu où il était pour s'approcher de moi. Il m'entoura de ses mains sur mes hanches, m'embrassa le cou et finalisa de dénouer ma gaine, lorsque ma robe tomba à plein le sol. Je me retourna vers lui, la poitrine à l'air libre, et le propulsa sur le lit. Non motivée à l'idée de me jeter sur lui, je pris pour une fois du temps pour moi. Sur un mannequin à ma gauche se trouvait une petite lingerie en soi rouge que j'enfilai afin de cacher mes formes, et surtout parce qu'il faisait froid. L'inconnu me demandait ce que je fabriquait.

J'allumais une pipe, "Je ne suis pas à vos ordres Mr. Heinz, vous me payez pour que je reste à vos côtés. Au delà je suis libre", "vous n'êtes libre de rien" disait-il en s'agitant. Ce n'était pas ma pire expérience dans mon métier de courtisane, cet homme là était juste frustrée dans sa relation avec une femme beaucoup plus vieille que lui.

Je terminais ma pipe et m'exécuta. Retirant une nouvelle fois le drap qui me tenait chaud, je venais à pas de chats sur le divan, lorsqu'il s'allongea complétement afin de s'adonner à mes caresses sensuelles. Je l'embrassait tendrement, me frottant à lui jusqu'à descendre la main, lorsqu'il gémissait de manière succinct. Cela ne lui suffisait apparemment pas, et il me demanda de me mettre accroupis. Je m'exécutait. Il retira son pantalon, me prit par les cheveux, lorsque je pris l'objet caché de sous mon oreiller en me retournant vers lui pour l'enfourcher dans le ventre. Il gémissait bien plus à présent. Je me releva précipitamment, me rhabilla et me mit à courir afin de sortir du bordel pour me réfugier chez Oscar.

Dans l'hôtel, tout était calfeutré de rouge, pour donner l'illusion d'une ambiance très romantique et sensuelle. L'univers dans lequel on m'avait forcé à vivre était tout sauf ça. J'avais froid, j'avais peur, j'étais malade, j'avais besoin d'aide. Je n'étais pas majeur. Orpheline depuis mes huit ans, j'ai été placée en foyer et déplacer dans cet endroit sordide lorsque j'avais à peine treize ans. Mes premières fois étaient difficiles, constamment violentée et demandée, je priait dieu pour qu'il me sorte de ce cauchemar sans fin. Majeure, je me décidais enfin à m'enfuir pour de bon, en comptant sur mon seul et unique ami d'enfance.

La nuit était sombre et je m'aventurait dans l'obscurité sans savoir vraiment où aller. Les lumières des gardes seules m'éclairaient, avec pour indice les étoiles, dont celle qui m'indiquait le nord. Je déambulais, avec ce corps glacée et chétif, avec l'espoir de trouver quelqu'un de bon pour m'emmener loin d'ici. Je marchait nu-pieds lorsque, sans le vouloir, atterrit dans les graviers et fit du bruit. Malheureusement, l'un des hommes ne s'attarda point à venir vérifier les alentours, tandis que je trouvais un pan de mur où me cacher. Mon cœur rompait à toutes vitesses, j'avais les mains moites et la boule au ventre. S'il me retrouvait, je resterais piégée pour l'éternité dans ce lieu où je finirais par me pendre à cause de toutes les sévices que j'ai subi. Les deux gardes faisaient leurs rondes... Lorsque l'un d'eux approcha du lieu où j'étais cachée, je décidais de partir en courant en direction du portail qui était grand ouvert. Je courais, je courais, haletante, mais je courais, encore et encore, jusqu'à perdre haleine. Soudain, quelqu'un me bloqua le passage. Un homme grand, vêtu de noir, muni d'un chapeau et ayant l'apparence d'un jeune adulte. En relevant la tête, je le reconnu. Il s'agissait d'Oscar.

"Grechka ? s'exclama t-il, que fais-tu à courir comme ça ? Cela fait tant d'années !"

"Emmène moi, emmène moi vite."

"Où veut tu que je t'emmène ?"

"Chez toi, vite."

Les deux protagonistes s'exécutèrent, et Oscar faisait entrer la courtisane dans sa voiture. Il appuya sur l'accélérateur tandis que les gardes à l'arrière se mirent à monter à cheval. Il s'agissait d'une course poursuite dans un froid hivernale, la neige au sol ralentissait la cadence. Oscar ne roulait pas assez vite et les chevaux rattrapaient ceux qu tentèrent de s'échapper. Une femme en blanc se mit à surgir de nul part et à barrer le chemin des deux protagonistes. Oscar freina d'un coup sec, pour ne pas l'écraser. Les deux gardes arrivèrent à attraper les adolescents. Ils exigèrent que ces derniers sortent de leur voiture, l'un attrapa Grechka par le cou, tandis que l'autre pointa son arme contre la tempe d'Oscar. La femme en blanc ne disait rien, et nous n'arrivions pas à voir son visage, qui semblait tout de même dégager une certaine pureté. Elle s'excusa auprès de ceux qui ont tenté de s'enfuir, et continua son chemin en allant vers le château là où Grechka travaillait. L'un des deux gardes sorti une corde afin d'attacher séparément les deux amis, et ils montèrent chacun leur tour sur les chevaux, sans vouloir s'échapper, puis repartirent vers le lieu maudit. Oscar semblait décontenancé, perturbé à l'idée d'être intervenu pour sauver quelqu'un et finalement être prit au piège avec lui. Grechka ne disait pas un mot, et d'un regard vide, se contentait d'observer au loin le chemin qui menait à sa prison. Il faisait froid, la neige tombait, le silence régnait, hormis les sabots des chevaux trottant au sol. Cet instant était similaire à une peinture romantique, où de jeunes rebelles tentaient de refaire le monde. Ce monde était celui. Un monde plein d'injustices, de solitude, de rejets des règles et des conventions dans une société qui se voulait démocratique. La démocratie n'a jamais existé, ni maintenant, ni jamais.

En entrant dans le château, illuminés par les lustres scintillant de milles feux, les jeunes gens virent trois hommes autour d'une table ronde, jouant au poker, avec à leurs côtés des courtisanes semblant apprécier le jeu. Les deux captifs étaient tâchés de terre, décoiffés par le vent et trempés par la neige, lorsqu'un des joueurs se mit à interpeller l'un des deux gardes, afin de demander l'identité de Grechka. "Une fois lavée et habillée, apportez-la moi" ordonna t-il. Oscar eu envie de vomir, tandis qu'il se faisait pousser vers l'avant dans le couloir menant directement à la salle de bain, accompagné de Grechka.

Une fois dans la pièce, les deux amis se regardèrent tristement, et les deux gardes leurs ordonnèrent de se laver au plus vite, et de les rejoindre ensuite dans le couloir une fois terminé. Ils claquèrent la porte et la fermèrent à clé. La salle de bain était blanche et bleu pâle, le mur était fait de carrelage et le sol de marbre. Tout était froid, et il n'y avait qu'une baignoire pour deux. Grechka était paralysée, et n'arrivait plus à parler. Elle tentait de se réchauffer de ses mains le haut du corps, et se mit à croupie à terre avant de verser des larmes. Oscar ne savait pas quoi dire, et proposa à son amie de se laver en premier afin de la laisser seule ensuite.

"Je suis désolée Grechka, j'ai cru que j'allais te sortir de là. Mais maintenant je suis à tes côtés, pour le meilleur et pour le pire. Nous sortirons un jour d'ici, je te le promets."

La jeune femme se redressa, toujours sans dire un mot, et s'installa dans l'angle de la pièce, le dos tourné à Oscar, en attendant qu'il se douche. Le robinet tournait, l'adolescent se mit à se plaindre de l'eau glacé qui gisait de la pomme de douche. Il se lavait en claquant des dents, le plus rapidement possible. Puis il sortit, aucune serviette n'était à disposition, et se rhabilla de ses vêtements sales. Il frappa à la porte afin d'alerter les gardes qu'il était prêt, mais ils lui répondirent qu'ils attendaient également et surtout la jeune femme. "Elle veut se laver seule !" avertissait Oscar, "et je ne vois pas pourquoi je devrais rester avec elle, et je ne veux pas rester avec elle. Respectez son intimité." Les deux hommes se mirent à rigoler derrière la porte, insultant Grechka de prostituée. Ils n'ouvrirent pas la porte, condamnant la jeune femme à l'humiliation. Oscar restait face à la porte, et demanda à son amie de se laver en se dépêchant, ne la regardant pas. Elle s'exécuta à toute vitesse, ouvrit la robinet et claquait des dents. Une fois lavée, elle se rhabilla également de ses vêtements salubres et s'avança vers Oscar. Elle l'enlaça, puis s'excusa, "je te demande pardon Oscar, tout cela ne serrait jamais arrivé si ne m'étais pas enfuie."

Les deux gardes ouvrirent la porte, l'un deux pointa son arme sur Oscar afin de tirer à bout portant.

The EraisedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant